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Face à la pénurie de soignants qui touche aussi le privé, Elsan demande une coordination avec l'hôpital public

Après l'hôpital public c'est au tour d'Elsan, leader français de l'hospitalisation privée avec 137 établissements de santé, d'alerter pour cet été tant il manque d'infirmières. Son président exécutif, Thierry Chiche, prône une coordination estivale public/privé/libéraux afin d'assurer la continuité des soins.

En France, le secteur privé assure 55 % de la chirurgie. Les 137 établissements de santé d'Elsan réalisent une chirurgie du cancer sur huit dans l'Hexagone.
En France, le secteur privé assure 55 % de la chirurgie. Les 137 établissements de santé d'Elsan réalisent une chirurgie du cancer sur huit dans l'Hexagone. (Fred MARVAUX/REA)

Par Myriam Chauvot

Publié le 1 juin 2022 à 17:30

L'hôpital public manque de soignants, le privé aussi. « Sur 9.000 postes d'infirmières dans nos 137 établissements de santé, en septembre il nous en manquait 400, aujourd'hui il nous en manque 820 », s'inquiète Thierry Chiche, président exécutif d'Elsan, numéro un de l'hospitalisation privée en France.

Cela ne pourra que s'aggraver avec les congés estivaux. En raison, déjà, du manque de personnel, observe le dirigeant : « début 2022, nous avions dû fermer 10 % de nos salles de blocs opératoires. En avril, nous avons ramené les fermetures à 3 % ou 4 % en nous organisant différemment. » Pourtant, « nous n'avions pas de pénurie en 2019 », assure-t-il.

Thierry Chiche impute l'exode aux tensions et à la désorganisation générée par deux ans de crise sanitaire. Confrontés à des horaires à rallonge pour suppléer les absences de collègues cas contacts, les soignants (un terme englobant infirmières et aides-soignantes, mais pas les médecins) sont épuisés et démotivés.

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Le dirigeant en veut pour preuve les départs constatés. « Beaucoup d'infirmières ayant quitté Elsan se sont installées en libéral, ce statut offrant des horaires plus flexibles et des contraintes moindres, ou sont allées rejoindre des laboratoires d'analyse médicale, remarque-t-il. Une minorité a changé de métier ou a été débauchée par des centres hospitaliers publics qui les attirent par de la surenchère salariale et des primes d'installation ».

Ecarts de rémunération

Le président exécutif du leader français de l'hospitalisation privé tord le cou aux idées reçues : les infirmières ne désertent pas le secteur public pour grossir les rangs des salariés du privé et pour cause : elles « sont mieux payées dans le public », affirme-t-il en se référant à une étude de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques) publiée mi-2021. Celle-ci relève des écarts de salaire de 150 euros en moyenne en faveur du public. « Et le Ségur n'a fait qu'accentuer les écarts, en revalorisant de 183 euros le salaire dans le public, contre 160 euros dans le privé », souligne Thierry Chiche.

Selon cette étude, en 2018, avant le Ségur de la santé, une infirmière gagnait en moyenne en France 2.339 euros mensuels nets dans le public, 2.155 euros nets par mois dans le privé à but lucratif et 2.192 euros dans le privé à but non lucratif.

Traitement inégal

Et les établissements de santé privés n'ont pas les moyens financiers de rivaliser car, contrairement à une autre idée reçue, ils ne perçoivent rien sur les dépassements d'honoraires facturés par les médecins exerçant chez eux. Ces derniers y exercent en libéral, tels les 7.500 médecins consultants chez Elsan, et perçoivent seuls les dépassements d'honoraires. L'Etat, lui, paie aux établissements, privés comme publics, les moyens matériels et humains mis à disposition - dont l'équipe salariée de soignants - selon un barème d'actes de soins.

Mais « l'Etat paie selon une « tarification à l'activité » qui est 22 % plus élevée pour le public que pour le privé », souligne le patron d'Elsan qui s'insurge contre ce traitement inégal. « Seuls 2 % à 3 % des patients sont spécifiques à certains CHU publics, pour des cancers pédiatriques, greffes ou transplantations. Pour le reste, il n'y a pas de différence dans les soins. Le privé assure 55 % de la chirurgie. Chez Elsan, nous réalisons une chirurgie du cancer sur huit en France. Nous faisons partie de l'offre essentielle de soins », rappelle-t-il.

Deux choses à ne pas faire

Outre que l'Etat finance moins bien les soins effectués dans le privé, « cela fait dix ans que malgré l'inflation, l'Etat a soit baissé soit n'a pas augmenté les tarifs hospitaliers, contre +2 % à +3 % par an de revalorisation des tarifs de soins en Allemagne par exemple, qui, par ailleurs, paie les soins le même tarif pour le public et le privé », poursuit Thierry Chiche.

Le résultat, après dix ans, est un système français de santé sous-financé. La situation est d'autant plus critique cette année que l'inflation des coûts est forte. « En 2022, avec 5 % d'inflation et la revalorisation du SMIC, qui entraîne celle de toute la grille salariale, le secteur hospitalier, public et privé, a un déficit de financement de 3 milliards d'euros », souligne le dirigeant.

Dans ces conditions, pour assurer cet été une continuité de soins 24/24 et 7 jours sur 7, « il faut cesser d'opposer public et privé et travailler ensemble, en établissant un planning partagé de soins, gardes et astreintes des établissements publics, privés et des libéraux, coordonné par la direction départementale des agences régionales de santé », juge-t-il en avertissant : « il y a deux choses à ne pas faire : refuser leurs congés à des soignants épuisés et opérer une réquisition par le public du personnel des hôpitaux privés.

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La réponse n'est pas la réquisition mais la coopération. La crise Covid l'a prouvé : sur le terrain, cela fonctionne bien », conclut Thierry Chiche.

Une « mission flash » pour trouver des solutions avant l'été à la crise des urgences.

En déplacement mardi au Centre hospitalier public du Cotentin, le président de la République a annoncé le lancement d'une mission d'appui, portée par des professionnels de terrain. Elle vise à identifier d'ici au 28 juin des premières solutions opérationnelles afin de faciliter l'accès aux soins urgents et non programmés, partout en France.

Brigitte Bourguignon, la nouvelle ministre de la Santé et de la Prévention, a confié le pilotage de cette mission à François Braun, président de Samu - Urgences de France, qui sera entouré d'un collectif de professionnels. La ministre rencontre cette semaine tous les acteurs de la santé, dont, vendredi, le président de la fédération de l'hospitalisation privée, Lamine Gharbi.

Myriam Chauvot

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