Petite devinette à l’intention de l’auditeur occasionnel de musique contemporaine qui, avec Silent Echoes et avec Tact, se voit proposer deux expériences multimédias au Centre Pompidou. Quel est leur principal point commun, en dehors de la technologie développée par l’Ircam ? Ici, sur la terrasse au niveau 5, une sculpture sonore prolonge l’activité d’une dizaine de cloches de Notre-Dame de Paris bien au-delà de leur base gothique. Là, au sein du musée, un dispositif interactif consiste à faire sonner, par le biais d’un écran tactile, une vue panoramique de Paris.
Alors ? Pas le rapport à l’œuvre. Passif avec la première, produite par l’Américain Bill Fontana, qui invite simplement à écouter le continuum obtenu en plaçant des accéléromètres sismiques sur les sources ancestrales en bronze. Créatif avec la seconde, qui consiste à animer manuellement une image et à la doter d’une réalité sonore puisée dans un travail d’équipe réunissant, entre autres, une designer (Zoé Aegerter), un photographe (Quentin Chevrier), un compositeur touche-à-tout (Georges Aperghis) et deux représentants de la jeune génération férue d’électronique (la Turque Didem Coskunseven et le Français Fabien Bourlier).
On pourrait détailler longuement chacun de ces projets. Rien ne les rapproche davantage que leur durée d’accessibilité. Environ un mois ! Une véritable exposition du sonore, au propre comme au figuré, qui jure avec les habitudes du one shot en vigueur pour la création de musique contemporaine. En général, quand il ne s’agit pas d’un ouvrage scénique – danse ou opéra –, un petit tour et puis s’en va. Avec Silent Echoes et Tact, le bouche-à-oreille (ou la critique musicale) pourra faire son office. Les candidats à la découverte d’un opus validé par une première réception n’auront pas à attendre une lointaine et souvent hypothétique reprise.
Investir tous les espaces
Si le directeur de l’Ircam reconnaît que cette démarche permet de dépasser l’écueil, notamment financier, lié au concert – à la création dans le cadre d’une soirée unique –, il la considère avant tout comme un moyen d’« atteindre de nouveaux publics » et, au-delà, d’essaimer plus largement sur le plan social. « La création musicale doit investir tous les espaces possibles et imaginables », estime Frank Madlener. Telle était aussi la conviction de Iannis Xenakis (1922-2001), visionnaire dans la relation art-science autant que dans le dépassement des limites entre conception savante et expression populaire. Reconstituer le fameux Polytope de Cluny, cinquante ans après son édification dans le cadre du Festival d’automne à Paris, tient donc de l’engagement symbolique pour l’institution fondée par Pierre Boulez. D’autant plus qu’il sera donné pendant tout le festival dans l’Espace de projection de l’Ircam, fermé pour travaux depuis huit ans. « Bien que conçu à partir des archives du compositeur, le Polytope 2022 n’a plus rien à voir avec celui de Xenakis, précise Frank Madlener. C’est de l’électro pure, très narrative, résultant d’une écriture collective, pas du tout dans la tradition de la maison. »
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