C’est le premier conflit social que Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, doit affronter. Et il est d’une nature un peu particulière. Les élèves de l’Institut national du service public (INSP, établissement qui remplace l’Ecole nationale d’administration, l’ENA depuis le 1er janvier) ont observé une grève, jeudi 9 juin. Ils auraient été 85 % selon les grévistes, 82 % selon le cabinet de M. Guerini. Vendredi matin, les élèves n’avaient toujours pas fait savoir s’ils entendaient poursuivre le mouvement, suite aux propositions formulées par le gouvernement.
C’est dans une tribune publiée le 8 juin par Le Monde que les futurs hauts fonctionnaires ont annoncé leur intention d’arrêter d’étudier « à partir du 9 juin ». Le texte, voté par 87 % de la promotion de 82 élèves, explique que l’objectif est d’« alerter sur nos conditions de formation et la fragilisation de la fonction publique de carrière ».
La promotion Germaine-Tillion (2021-2022), qui achève sa scolarité, inscrit son action dans le droit fil de la grève déclenchée le 2 juin au ministère des affaires étrangères. « Nous rejoignons ainsi, écrivent les signataires de la tribune, d’autres mobilisations de fonctionnaires qui, les unes après les autres, soulignent la dégradation des conditions de travail et la succession de réformes dont la mise en œuvre précipitée et non concertée affaiblit notre fonction publique. »
En ligne de mire de tous : la réforme de la haute fonction publique. Lancée en avril 2019 et conçue comme une réponse à la crise des « gilets jaunes », elle a entraîné de substantiels changements dans la carrière des hauts cadres de l’Etat. L’ENA, créée en 1945 par le général de Gaulle, a été remplacée par l’INSP, et la formation remaniée. L’entrée directe, dès la sortie de l’école, des meilleurs élèves au sein des grands corps (Conseil d’Etat, Inspection générale des finances, Cour des comptes) est supprimée à partir de 2023. Surtout, un nouveau « corps des administrateurs de l’Etat » rassemblera 16 corps. Il s’agit d’un nouveau statut, qui permettra de gérer la carrière d’une grande partie des plus hauts cadres publics. Mais cela se traduit par la disparition du corps spécifique des préfets, de celui des diplomates et des inspecteurs généraux.
« Incertitude et opacité »
La promotion Germaine-Tillion a commencé sa scolarité à l’ENA ; elle la termine à l’INSP. Et les tout nouveaux « insparques » n’apprécient pas de jouer les cobayes. « Dans un moment où la demande d’Etat est forte, écrivent-ils dans la tribune publiée le 8 juin, et où l’administration peine aujourd’hui à attirer les talents dans tous les secteurs, c’est le modèle de l’INSP qui, après à peine six mois d’existence, est dangereusement remis en cause. »
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