Drôle de période pour l’industrie européenne de la voiture. Secouée par le vote du Parlement de Strasbourg, le 8 juin, qui interdit les ventes de moteurs thermiques neufs à partir de 2035, elle constate, depuis presque un an, un recul continu des immatriculations. Mai n’a pas fait exception. Selon les chiffres de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), dévoilés jeudi 16 juin, les ventes de voitures particulières neuves ont diminué de 11,2 %, le mois dernier, par rapport à la même période de 2021. En dehors de la période particulière du Covid-19 en 2020, c’est le pire mois de mai enregistré par l’ACEA, et le onzième mois d’affilée de baisse du marché automobile que connaît le continent européen.
Le phénomène est mondial : en mai, les ventes ont reculé de 13 % en Chine et de 30 % aux Etats-Unis. Selon les prévisions du cabinet spécialisé S&P Global Mobility (anciennement IHS Markit), 80 millions de véhicules devraient sortir des usines dans le monde en 2022, contre 89 millions en 2019. Pour l’Europe (Royaume-Uni et Turquie inclus), la différence serait encore plus marquée : 15,5 millions de voitures écoulées en 2022, contre 19,2 millions il y a trois ans.
Un problème d’offre
A l’origine de cet assèchement massif du marché se trouve avant tout un problème d’offre. Les constructeurs n’arrivent tout simplement pas à produire les voitures que leurs clients commandent. Plusieurs pénuries sont à l’origine de cette situation inédite. Il y a eu pour commencer ce manque soudain de semi-conducteurs, apparu après neuf mois de pandémie, lequel a provoqué une chute de production qui a culminé en septembre 2021.
Puis la guerre en Ukraine a désorganisé l’industrie du câblage, très présente dans ce pays à bas salaires. Le câblage est fondamental pour l’automobile moderne, un véhicule d’aujourd’hui en contient trois kilomètres. S’y est enfin ajoutée une désorganisation globale de la chaîne d’approvisionnement, essentiellement due au confinement de Shanghaï.
« De nouvelles menaces surgissent de toutes parts : sur le palladium, sur les petites puces analogiques, sur les matières plastiques, sur le néo, ou sur le gaz naturel », Denis Schemoul, directeur chez S&P Global Mobility
« L’industrie automobile fonctionne désormais dans le cadre d’une économie de rationnement, résume Denis Schemoul, directeur chez S&P Global Mobility. Cela s’améliore en ce moment sur le terrain du câblage et de la production de puces électroniques pour microcalculateurs. Mais de nouvelles menaces surgissent de toutes parts : sur le palladium, nécessaire aux pots catalytiques ; sur les petites puces analogiques, qui sont partout dans les véhicules ; sur les matières plastiques, en raison de l’embargo sur le pétrole russe ; sur le néon, gaz indispensable à la production de semi-conducteurs, que la Russie menace de bloquer ; ou tout simplement sur le gaz naturel, qui apporte l’énergie à de nombreuses usines. »
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