Ils scrutent les résultats de leurs élèves, leur progression sur les listes d’attente. Ils évaluent les chances des uns et des autres d’intégrer telle formation en analysant le rang du dernier admis à la session précédente. En quelques années, les professeurs principaux des lycéens de terminale sont devenus des experts de Parcoursup. Le jargon de la plate-forme d’admission dans l’enseignement supérieur, son calendrier, ses différentes phases n’ont plus beaucoup de secrets pour eux, et, pourtant, ils n’en ont pas encore percé tous les mystères. Pourquoi, à la veille de l’ouverture de la phase complémentaire, les élèves d’une classe ont quasiment tous reçu au moins une proposition, alors que dans une autre, près d’un quart est toujours en attente ? Les enseignants ne le comprennent pas, alors qu’au niveau national plus de 86 % des candidats ont déjà reçu une proposition d’admission, selon les statistiques ministérielles.
Si « la logique » est respectée dans la plupart des cas, les professeurs principaux remarquent tous « des anomalies » entre les propositions que reçoivent certains candidats et leur profil ou leur niveau. Ces enseignants parlent même d’« aberrations » lorsqu’il leur arrive de comparer les résultats de différents lycéens. Les exemples sont légion. Jérôme Derancourt, professeur de mathématiques près de Lyon, n’arrive pas à saisir les différences de situation entre deux de ses élèves qui souhaitent intégrer la même licence de Staps. « L’un a été pris dès le premier jour et l’autre est encore très loin sur la liste d’attente. Pourtant, le deuxième possède le BAFA et pratique un sport au niveau régional », raconte l’enseignant.
Anne Bey, professeure de mathématiques à Montpellier, s’étonne du sort de cet « élève exceptionnel en sciences » qui n’est encore accepté dans aucune classe préparatoire alors que d’autres élèves moins brillants le sont. L’enseignante échafaude des hypothèses : « Les notes en français semblent peser pour départager les candidats, même pour des formations scientifiques. »
Hervé Lacrampe s’interroge aussi. L’enseignant d’histoire-géographie au lycée Jean-Macé, à Niort, accompagne un lycéen qui a fait un break d’un an pour effectuer un tour du monde à vélo. « L’an dernier, il était pris dans deux licences de droit sur les six auxquelles il avait candidaté. Cette année, il est accepté partout avec les mêmes vœux », constate-t-il, dubitatif.
Manque de transparence
Les critères peuvent-ils évoluer d’année en année ? Là encore, les enseignants se perdent en conjectures. « Avec l’inflation des notes, les lettres de motivation ou les activités extrascolaires semblent prendre de l’importance », avance Servanne Marzin, professeure d’histoire-géographie dans l’académie de Créteil. L’une de ses élèves, avec un dossier « pas spécialement renversant », mais un projet de formation motivé très travaillé, a été admise en école d’architecture.
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