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Le Service des musées de France « pas armé » pour détecter les trafics

Sous-effectifs, dossiers lacunaires, pressions des marchands et maisons de ventes expliquent la difficulté de faire appliquer les réglementations.

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Publié le 26 juin 2022 à 10h00

Temps de Lecture 2 min.

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Le Louvre Abu Dhabi aux Émirats arabes unis, en 2018.

L’enquête menée par l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) sur les objets de provenance douteuse validés par l’agence France Muséums et achetés par le Louvre Abu Dhabi est implacable : toute la chaîne de sélection, de contrôle et d’acquisition s’est révélée défaillante. Concernant le ministère de la culture, qui octroie les licences d’exportation pour les biens culturels de valeur, le constat des policiers est aussi sans appel. « Le service des musées de France n’est absolument pas armé pour permettre la détection d’éventuelles antiquités de provenance illégale », indique une synthèse dont Le Monde a pu prendre connaissance. Pas de leviers suffisants pour faire appliquer la réglementation en vigueur, ni traiter correctement des demandes d’exportation, aucun audit effectué pour détecter les failles du dispositif français relatif aux autorisations d’exportation. La délivrance de ces précieux sésames n’est en effet pas soumise à la confirmation que les biens ne sont ni faux ni ne proviennent de fouilles illicites.

Dossiers lacunaires

En sous-effectif et sous pression, le service qui délivre les passeports de sortie du territoire doit traiter les demandes envoyées par les marchands et maisons de ventes dans un délai de quatre mois au maximum. Or, bien souvent, les dossiers sont lacunaires. La police a fait le décompte : entre mai 2008 et février 2019, l’expert Christophe Kunicki, mis examen en 2020 pour « escroquerie, association de malfaiteurs et usage de faux », a transmis 368 demandes, « presque systématiquement lacunaires ». Un marchand parisien, David Ghezelbash, lui aussi mis en examen en mars 2022 pour « recel, escroquerie et blanchiment en bande organisée », a adressé au service 199 demandes incomplètes. Les dossiers ont beau être incomplets, les professionnels du marché mettent souvent la pression pour qu’ils soient traités dans l’urgence. Demandée le 17 août 2017, la licence pour l’exportation de la stèle de Toutankhamon vendue par Kunicki au Louvre Abu Dhabi a été accordée le 21 octobre 2017. Celle pour la tête de Cléopâtre, d’une valeur de 35 millions d’euros, demandée le 11 octobre, a été donnée cinq jours plus tard. Des délais qui excluent toute enquête approfondie.

Pour accélérer l’obtention des certificats, les professionnels du marché se font parfois caressants : fleurs, chocolats, livres sont envoyés aux agents chargés de traiter leurs dossiers. « C’est très dérangeant, reconnaît une employée du service, auditionnée en octobre 2021. C’est une pratique qui tend à diminuer, mais qui perdure. Je pense que c’était beaucoup plus important avant, par rapport à ce que je connais actuellement. » Pourquoi ne refuse-t-elle pas ces présents ? « Ils en offrent à la hiérarchie. Voilà. » Lorsque les agents réclament aux demandeurs un complément d’information, certains expriment leur mécontentement, voire s’adressent directement au ministre de la culture pour débloquer la situation. Interrogée début 2022 par l’OCBC sur le fait que les autorisations d’exportation d’objets pillés participent, dans une certaine mesure, à leur blanchiment, Anne-Solène Rolland, alors cheffe du service des musées de France, était restée sans voix. « Je prends acte, avait-elle répondu aux enquêteurs, mais je n’avais pas conscience que cela pouvait être instrumentalisé à ce point-là. »

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