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A Radio France, la grande précarité des jeunes recrues

Enchaînement de contrats courts pendant plusieurs années, horaires à rallonge, épuisement et abus dans certaines stations locales… Les jeunes journalistes sont « essorés » par le « planning », un système mis en place dans la radio de service public.

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Publié le 30 juin 2022 à 04h30, modifié le 01 avril 2023 à 15h21

Temps de Lecture 7 min.

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Vue aérienne de la Maison de la radio, siège de Radio France, à Paris, le 14 juillet 2018.

Marie s’est fait peur ce jour-là. Elle était sur la route, de retour d’un contrat dans une station de France Bleu, quand elle a perdu la vision durant de longues secondes. « J’étais dans un état de fatigue extrême et j’ai soudain vu noir. Heureusement, j’étais en ligne droite, j’ai tenu le volant comme je pouvais », raconte la jeune journaliste de 27 ans (dont le prénom a été modifié), qui roulait alors d’une locale de la radio de service public à une autre, après des semaines à un rythme effréné à sillonner la France. Ployant sous la surcharge de travail, elle a depuis décidé de s’arrêter quelque temps – à l’instar d’autres jeunes journalistes contactés, essorés par les conditions de travail de leurs premières années au sein de Radio France.

Pigistes, ou bien contrats à durée déterminée (CDD) inscrits sur le « planning », le système d’enchaînement de contrats courts de l’entreprise : sans eux certaines tranches d’information du groupe – qui rassemble les quarante-quatre radios locales de France Bleu, France Inter, Franceinfo… – ne tourneraient pas. Ils sont une centaine à ce jour sur le planning et environ autant en pige (soit près d’un quart des journalistes de Radio France) ; ils sont sur le pont la nuit ou les week-ends, envoyés partout dans l’Hexagone pour des missions de courte durée, souvent jusqu’à l’épuisement.

La quinzaine de jeunes recrues qui ont accepté de nous parler ces derniers mois, sous couvert d’anonymat par crainte de « représailles », rapportent un même récit : celui d’une « précarité institutionnalisée », de journées de travail à rallonge et d’une pression intenable, pour lesquels « n’importe quelle entreprise privée se serait déjà fait épingler ».

Le désir souvent chevillé au corps de travailler pour le service public, ces jeunes journalistes sortis d’école ont fait leurs premiers pas dans l’entreprise comme pigiste – des missions à la journée, payées 73 euros net, un montant qui augmente avec l’ancienneté. Rattachés généralement à une locale de France Bleu, sans garantie toutefois d’un nombre de jours mensuels travaillés, ils subissent déjà régulièrement une surcharge de travail. « Il m’arrivait de croiser le matinalier quand je finissais à 3 heures du matin, après avoir commencé à 8 h 30 », relate une journaliste, passée par une station de l’Ouest.

« Conditions de travail illégales »

Eprouvante, l’expérience de la pige l’est aussi parce que s’y joue la possibilité, accordée par son chef de rédaction, de se présenter à un concours interne : deux journées d’épreuves et une poignée de sélectionnés, pour non pas intégrer pleinement l’entreprise… mais un vivier de CDD, le fameux « planning » au sein duquel les inscrits sont amenés à se déplacer en remplacement sur l’ensemble du territoire – officiellement le passage obligé pour espérer, à terme, être titularisé à Radio France. Un système, mis en place depuis des décennies, qui conduit ces jeunes journalistes à enchaîner les CDD durant plusieurs années, pour certains jusqu’à plus de cinq ans, hors de tout cadre légal.

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