Pour la première fois de sa carrière, Rachid Ben Amar n’a pas savouré les « bonnes vacances » lancés joyeusement par les élèves de son unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS), dans son école de Seine-Saint-Denis. Son programme estival est tout trouvé : « M’occuper de ma mère, de mes enfants, et chercher un nouvel emploi. » Depuis quinze ans, il est pourtant « un bon petit soldat de l’éducation nationale ». Un mordu de son métier, venu dans le « 93 » par goût du défi et pour « l’utilité sociale ». Au fil des rentrées, lorsqu’on lui demande de prendre en charge des classes difficiles, il répond positivement. Des directions d’école, maternelle et élémentaire ? Oui, aussi. Des sections d’enseignement général et professionnel adapté, des classes avec des enfants lourdement handicapés ? Oui, toujours.
Mais, cette année, il a connu « un drame de la vie, qui fait tout voler en éclats ». Sa mère, âgée de 84 ans, est malade d’un cancer qui la rend très dépendante – l’Assurance-maladie la classe GIR 2, un des plus forts degrés de perte d’autonomie. Enceinte, la femme de Rachid Ben Amar, aide à domicile, la rejoint en janvier à Epernay (Marne) pour lui porter assistance. Leur fils aîné y est scolarisé, le cadet naît là-bas. Et le professeur des écoles se retrouve soudain à 150 kilomètres de sa famille, avec le projet de s’installer rapidement dans cette région qui manque aussi d’enseignants.
« Un dilemme terrible »
En mars, sa demande de mutation informatisée est rejetée : il n’a mathématiquement aucune chance d’obtenir l’académie de Reims, qui requiert au moins 400 points. Mais Rachid Ben Amar place ses espoirs dans la seconde procédure de mutation, appelée « ineat-exeat ». Un dossier individuel complexe pour motif social, médical ou de rapprochement de conjoint, qui permet d’obtenir un « droit de départ » de l’académie quittée et un « droit d’arrivée » de l’académie visée. Après des semaines à constituer le dossier, Rachid Ben Amar reçoit, en juin, un e-mail « de deux lignes » refusant sa demande, sans explication. Résultat : « Je dois choisir entre quitter ce métier que j’aime ou accompagner ma mère à partir dignement. Personne ne devrait vivre un dilemme aussi terrible. »
Rachid Ben Amar n’est pas le seul concerné. « En Seine-Saint-Denis, plus personne ne veut entrer. Donc, on bloque le droit de sortir », confirme César Landron, secrétaire départemental Snudi Force ouvrière (FO). Si la direction académique du département n’a pas communiqué le nombre d’exeats accordés en 2022, les mutations informatisées, première étape de la démarche vers un mouvement interacadémique, étaient en baisse, avec 287 validations pour 2 824 demandes. En 2018, ils étaient 345 à l’obtenir sur 2 783 dossiers (− 17 %).
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