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Crise de croissance pour l'industrie du jeu vidéo

Longtemps perçu comme un secteur immunisé contre les crises économiques, le marché vidéoludique tangue sur ses appuis depuis quelques semaines. Le cabinet spécialisé Ampere Analysis prédit que le secteur va reculer de 1,2 % en 2022, sur un an, à 188 milliards de dollars.

Sony aura ainsi mis près de dix-neuf mois pour atteindre le cap des 20 millions de ventes pour sa PS5, contre près de seize mois pour la PS4.
Sony aura ainsi mis près de dix-neuf mois pour atteindre le cap des 20 millions de ventes pour sa PS5, contre près de seize mois pour la PS4. (Yelim Lee/AFP)

Par Nicolas Richaud

Publié le 19 juil. 2022 à 13:30Mis à jour le 19 juil. 2022 à 19:42

La réputation de l'industrie vidéoludique ne tient plus qu'à un fil. Longtemps perçu comme un secteur naturellement immunisé contre les crises économiques, le jeu vidéo tangue sur ses appuis depuis quelques semaines et les voyants, constamment dans le vert ces dernières années, virent peu à peu à l'orange vif. Lors du premier semestre, le jeu vidéo mobile - moteur de la croissance du marché en 2021 - a ainsi vu ses revenus reculer de 6,6 % sur un an, à 41,2 milliards de dollars, selon Sensor Tower.

Concernant l'industrie dans son ensemble (ventes de jeux PC, sur consoles et mobiles), le cabinet spécialisé Ampere Analysis prédit, lui, que le secteur va reculer de 1,2 % en 2022, sur un an, à 188 milliards de dollars. Niantic, Unity, GameStop : plusieurs firmes du secteur ont aussi procédé à des licenciements ces dernières semaines ou s'apprêtent à le faire. En clair, le secteur fait grise mine actuellement, d'autant plus que les capitalisations boursières du « big four » des éditeurs de jeux (Ubisoft, Activision Blizzard, Take-Two, EA) accusent des baisses à deux chiffres sur un an.

« Il y a un 'effet gueule de bois' sur les marchés pour ces valeurs car les effets de base ont forcément été défavorables lors des derniers résultats financiers après la solide croissance du secteur au plus fort de la crise sanitaire, expose Charles Louis Planade, analyste financier jeu vidéo chez TP ICAP. Le contexte actuel est très particulier car l'industrie fait face à un double déficit : celui des livraisons des consoles de nouvelle génération (PS5 et Xbox Series) couplé à une faible offre de jeux depuis quelques semaines. »

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Décalage de jeux

Souffrant de la pénurie de composants, les fabricants de consoles Sony et Microsoft ne parviennent effectivement pas à satisfaire la demande. Le groupe japonais aura ainsi mis près de dix-neuf mois pour atteindre le cap des 20 millions de ventes pour sa PS5, contre près de seize mois pour la PS4. « Sony a fait savoir que les problèmes d'approvisionnement dureraient jusqu'en 2024. Mais on voit que le réservoir de la demande est immense. Dès que de nouvelles PS5 arrivent sur le marché, elles sont immédiatement avalées », note Charles Louis Planade, selon qui le paradigme actuel explique aussi, par ricochet, le peu d'appétit des « gamers » pour les jeux.

« A chaque nouveau cycle de consoles, les joueurs diminuent leurs dépenses en jeux sur l'ancienne génération car ils prévoient d'en changer. Puis, il y a un rattrapage car ils surconsomment dès qu'ils ont leur nouvelle console. Mais le trou d'air momentané dans la consommation de jeux s'allonge en ce moment avec les soucis d'approvisionnement », précise-t-il. Et par effet de spirale, les éditeurs de jeux vidéo décalent aussi leurs sorties de titres dans l'attente que le parc de joueurs doté de nouvelles consoles se densifie, ce qui appauvrit d'autant l'offre et n'aide pas à stimuler la demande.

« Le taux d'équipement est un peu faible, donc on a décidé de sortir finalement notre jeu 'Steelrising' en septembre », confie Alain Falc, patron de l'éditeur français Nacon qui commercialisera aussi, ce même mois, « Le Seigneur des Anneaux : Gollum ». « Après, les retards dans l'industrie s'expliquent aussi par la généralisation du télétravail qui fait baisser le taux de productivité à 90 %. Sur des projets de jeux s'étalant sur plusieurs années, cela peut se traduire par plusieurs mois de retard. »

Un redécollage attendu en 2023

L'accident industriel de la méga-production « Cyberpunk 2077 » sortie dans la précipitation fin 2020 est aussi dans toutes les mémoires. En mai, Bethesda (Microsoft) a ainsi fait savoir qu'il décalait la sortie de ses titres « Starfield » et « Redfall » au premier semestre 2023 en vue de laisser du temps à ses équipes pour soigner la qualité de la production. « Le secteur va se reprendre en fin de d'année puis redécoller en 2023 avec l'arrivée de gros jeux, souligne Cédric Lagarrigue, ancien patron de l'éditeur français Focus Home Interactive et désormais senior advisor pour la banque d'affaires Alantra. Les fondamentaux du marché restent solides. »

Ampere Analysis pronostique d'ailleurs que le secteur va rebondir de près de 4 % en 2023, à 195 milliards de dollars - ce qui constituerait un pic historique. Certains signaux faibles sont déjà positifs. Bien que la concurrence se soit intensifiée sur son segment de marché, la plateforme ultradominante de la vente de jeux PC en ligne, Steam, tutoie actuellement ses sommets en matière de fréquentation, approchant du seuil des 30 millions de joueurs actifs quotidiens. Soit une hausse de 50 % en deux ans et demi.

« Et la crise va jouer en faveur du secteur car les ménages doivent arbitrer dans leurs dépenses de loisirs. Pour 70 euros, vous pouvez passer 140 heures à jouer sur un titre comme 'Elden Ring', cela reste incomparable pour un produit culturel, fait valoir Cédric Lagarrigue. Et cela va aussi faire évoluer la physionomie du secteur car le contexte va rendre plus attractives encore les offres d'abonnements payantes comme le Game Pass (Xbox) ou le PlayStation Plus. » A qui perd, gagne.

Nicolas Richaud

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