Apprentissage et formation professionnelle : le succès de la réforme menace désormais son financement

Apprentissage et formation professionnelle : le succès de la réforme menace désormais son financement

Les sénateurs alertent sur la croissance trop rapide du nouveau modèle d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle, dont le coût n’est plus couvert par le système actuel de financement. Dans un rapport publié mercredi 29 juin, la Chambre Haute propose de repenser en partie la gouvernance du dispositif et d’instaurer plus de flexibilité dans la gestion des fonds.
Romain David

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Souvent vantée par la majorité comme l’une des grandes réussites du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la réforme de l’apprentissage de 2018 a notamment permis de repousser l’âge d’accès et de multiplier par plus de deux le nombre de contrats. Dans le même temps, la loi Avenir professionnel a élargi l’accessibilité à de nouvelles compétences et permis de rénover le compte personnel de formation (CPF), qui n’est plus alimenté désormais en heures mais en euros. Mais la pérennité de ces évolutions est aujourd’hui menacée par leur succès. « La réforme de 2018 a enclenché une dynamique considérable en faveur de l’apprentissage et de la formation professionnelle, mais elle n’a pas anticipé les besoins de son financement. Sans remettre en cause ces avancées, il est nécessaire de réguler le système afin d’assurer sa soutenabilité et sa performance », alerte le Sénat dans un rapport publié mercredi 29 juin.

En trois ans, le nombre de contrats d’apprentissage est passé de 321 000 à 732 000 l’année dernière. Dans le même temps, le nombre de formations financées, accessible via le CPF, a été multiplié par quatre. Elles dépassaient les 2 millions en 2021. Mais derrière ces chiffres, le budget n’a pas forcément suivi, et le mode de financement du système n’est plus en mesure de supporter ses nouvelles dimensions.

Des dépenses qui n’ont pas été suffisamment anticipées

D’un point de vue opérationnel, la réforme s’est accompagnée de la mise en place d’une structure unique, chargée de piloter son financement : « France compétences », créée par la loi du 5 septembre 2018. Cette institution fusionne différents organismes préexistants : le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop), le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (Copanef), le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) ainsi que la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP).

La principale mission de France compétences est d’assurer le versement et la répartition des fonds issus des contributions des employeurs à la formation professionnelle et à l’apprentissage. Elle endosse également un rôle d’évaluation de la qualité des formations proposées. « La large ouverture des dispositifs, qui ne s’est pas accompagnée de nouveaux moyens de financement, a créé des besoins non couverts par les ressources de France compétences ». À titre d’exemple : les seules dépenses liées à l’alternance pourraient absorber à elles seules plus de 100 % des recettes de France compétences. Le déficit de l’institution, chiffré à 3,2 milliards en 2021, devrait friser les 6 milliards en 2022, pointent les élus de la Chambre haute.

Car en vérité, France compétences n’a que peu de marges de manœuvre sur les fonds qu’elle pilote. Elle reste largement sous la tutelle de l’Etat. Surtout, observent les sénateurs, elle demeure contrainte dans l’exécution de ses missions par des procédures réglementaires qui flèchent certaines dépenses. En clair : France compétences n’est pas en mesure de redéfinir des budgets dont le montant a été fixé par décret. Pour le reste, le reversement des contributions aux différents dispositifs est encadré par des fourchettes prédéterminées, et dont la pertinence est remise en cause.

Elargir la taxe apprentissage à de nouvelles entreprises

Les sénateurs proposent de donner au conseil d’administration de France compétences la capacité de se prononcer sur un budget global, accompagné d’une trajectoire pluriannuelle de retour à l’équilibre, qui serait fixée par le gouvernement et les partenaires sociaux. Ils souhaitent également redimensionner certains leviers de financement. Par exemple, en adaptant le montant des enveloppes régionales de soutien aux centres de formation d’apprentis (CFA) au nombre d’apprentis.

Ils évoquent également un élargissement de la taxe apprentissage, dont sont exonérés certains secteurs d’activité. « Alors que toutes les entreprises peuvent bénéficier des aides publiques à l’apprentissage dès lors qu’elles remplissent les critères d’éligibilité, il semble de moins en moins justifié qu’une partie d’entre elles ne soient pas redevables de la taxe », relèvent les élus.

Autre piste évoquée : l’introduction de mécanismes de régulation. « Afin de responsabiliser les bénéficiaires et d’élever l’intérêt des formations prises en charge, les rapporteurs recommandent d’instaurer un reste à charge pour l’utilisateur du CPF, même modique, en cas de formation ne débouchant pas sur une certification inscrite au RNCP [le répertoire qui recense les diplômes reconnus par l’Etat, ndlr]. » Ils suggèrent également de décharger France compétences de certaines missions, pour lesquelles l’institution ne semble pas être l’opérateur le plus pertinent.

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