Le diagnostic se confirme mois après mois. Depuis la sortie de la phase la plus critique de l’épidémie de Covid-19, l’hôpital est traversé par une autre crise. Fermetures de lits dans de nombreux services de médecine, urgences en extrême tension obligées de fonctionner en mode dégradé, blocs opératoires qui tournent au ralenti… Impossible de reprendre une activité « normale ».
Avec ce même phénomène constaté dans de nombreux établissements de santé depuis maintenant près d’un an : une pénurie de personnels, rendue d’autant plus aiguë que l’été constitue une période toujours difficile sur le plan des ressources humaines. Au premier rang chez les infirmiers, mais aussi chez les médecins. « Il faut stopper l’hémorragie à l’hôpital », a affirmé le nouveau ministre de la santé et urgentiste, François Braun, dans un entretien au Parisien, le 17 juillet.
Pourquoi cette crise du recrutement ? La violence des vagues épidémiques qui ont déferlé sur l’hôpital et épuisé les soignants depuis près de deux ans, provoquant son lot de départs ou de reconversions, n’explique pas tout. Ni la démographie médicale, insuffisante à combler les besoins en santé depuis plusieurs années sur de nombreux territoires. Le mal est plus profond, à entendre les acteurs de la santé : l’hôpital public a surtout perdu de son attractivité.
Une question qui dépasse celle de la rémunération
L’enjeu est loin de se limiter aux rémunérations dans les établissements de santé : si l’unanimité domine pour dénoncer leur niveau encore bien trop faible, en particulier chez les paramédicaux (infirmiers, aides-soignants…), la hausse des salaires du plan gouvernemental du Ségur de la santé de l’été 2020 n’a pas permis d’attirer plus, ou même de retenir les personnels. La fuite s’est poursuivie.
« On a toujours gagné moins d’argent à l’hôpital que dans le privé, rappelle Thierry Godeau, médecin à La Rochelle à la tête de la conférence des présidents de commission médicale d’établissement de centre hospitalier. Mais il y avait un ensemble de choses qui compensait : le plateau technique, la recherche et l’enseignement, l’innovation, le travail en équipe… Tout ça s’est délité avec les restrictions budgétaires, certaines lois, les postes vacants, l’explosion du temps de travail et de la charge de soins. » Et d’avancer une anecdote personnelle pour confirmer son analyse : comme lui et sa femme, ses deux filles ont fait médecine, mais à l’âge de s’engager dans la carrière… aucune ne reste à l’hôpital, contrairement à leurs deux parents. « Elles ne veulent pas de la vie qu’on a eue, estime-t-il. On ne peut pas attirer les jeunes, mais aussi les moins jeunes, sans perspective d’avenir, et l’hôpital n’a plus de projet. »
Il vous reste 75.29% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.