A « contrecœur », avec un sentiment de « culpabilité », ou sans regret mais en se défendant d’être celui qui « trahit »… Il n’est jamais anodin de partir de l’hôpital public. « Je n’aurais jamais pensé le quitter un jour », semble encore s’étonner Mathieu Mattei, anesthésiste-réanimateur au CHRU de Nancy en chirurgie cardiaque, et en réanimation médicale. C’est un chemin que certains jugeront pourtant classique qu’il s’est résolu à emprunter. Praticien hospitalier depuis 2007, celui qui a également dirigé son service va rejoindre, à compter du 1er janvier 2023, la clinique Claude-Bernard, à Metz.
Que ces médecins se tournent vers le privé ou décident de se reconvertir vers un autre métier, le mouvement n’est pas nouveau et reste difficilement chiffrable. Mais à l’heure où de nombreux hôpitaux souffrent du manque de professionnels de santé, il se fait plus cruellement ressentir.
« Je ne supporte plus l’ambiance du service, explique simplement le docteur Mattei. Nous sommes deux à partir pour cette raison, sur sept médecins. » En conflit avec sa cheffe de service, avec de fortes tensions depuis bientôt deux ans, il dit avoir alerté au début de l’année les différentes autorités de l’hôpital. « Rien ne s’est passé, on a laissé pourrir la situation, dans une immense inertie », regrette le praticien, qui va rejoindre cet établissement privé où il connaît bien les médecins de son futur service, puisqu’ils viennent tous de son hôpital.
« Il y a peut-être des choses qu’on supporterait sans la fatigue, analyse-t-il. Mais quand on est à flux tendu et que s’ajoute un tel problème relationnel, à un moment, on dit stop. » Avec sept à huit gardes par mois, quelque cent heures supplémentaires, souvent trois week-ends sur quatre travaillés… l’anesthésiste-réanimateur part pourtant « vraiment à contrecœur » : « J’adore mon boulot, je n’ai jamais compté mes heures mais là, je vais y laisser ma santé », dit-il.
L’homme de 46 ans travaillera désormais à mi-temps, avec la même rémunération qu’aujourd’hui. « Je n’ai pas vu grandir mes enfants, dit-il. Je vais profiter de ma famille. » Il est loin pour autant de partir sans savoir ce sur quoi il doit faire une croix : « J’étais en charge de la transplantation cardiaque, j’y tenais beaucoup, mais à un moment on fait des choix. »
« Je ne trahis personne »
C’est l’envie de « monter un nouveau projet » et de « renverser la table » qui anime le professeur des universités et praticien hospitalier Yves Panis, 60 ans. Le départ du chirurgien digestif de l’hôpital Beaujon, en région parisienne, a rencontré un certain écho, puisque le ponte, à l’origine du développement d’un service très spécialisé de chirurgie colorectale, quitte l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avec cinq autres collègues chirurgiens et gastro-entérologues pour la clinique Ambroise-Paré. Soit un mouvement de Clichy à Neuilly (Hauts-de-Seine), prévu en novembre, afin d’y créer un centre médico-chirurgical des maladies intestinales. « Une nouveauté dans le système français ! », dit-il avec enthousiasme, rappelant qu’il ne lui restait sinon plus qu’à « attendre la retraite » à Beaujon, qui va fermer dans les années qui viennent pour rejoindre le futur hôpital Nord.
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