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Solène Reveney pour « Le Monde »

« Uber Files » : à Paris, Lille ou Lyon, les chauffeurs Uber laissés seuls en première ligne

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Publié le 10 juillet 2022 à 18h00, modifié le 03 novembre 2022 à 18h07

Temps de Lecture 5 min.

« J’ai commencé à rouler avec ma voiture personnelle, sans aucun statut ni assurance pour le transport de personnes. » En 2014, Nadir – le prénom a été changé, comme pour tous les chauffeurs qui ont accepté de témoigner dans cet article – se lance dans UberPop la fleur au fusil. Uber vient de créer en France ce service présenté comme du covoiturage urbain. Le chauffeur débutant, la quarantaine, occupe déjà un emploi salarié dans la maintenance des avions. Le Lyonnais est séduit par l’idée d’amortir ses trajets depuis et vers l’aéroport, même s’il se doute que « tout n’est pas dans les clous ». « Je savais bien que dans le covoiturage, c’est le chauffeur qui fixe la destination, pas le passager…, admet-il. Mais je n’avais pas l’impression d’être hors la loi pour autant. »

Les premiers mois, la demande et l’enthousiasme des clients d’UberPop font taire les craintes des chauffeurs. « Ça se passait très bien, insiste Thierry, qui débute, à Lille, après une période de chômage. On était 10-15 véhicules à se retrouver sur les parkings, il ne se passait pas une demi-heure sans que ça sonne. Les clients étaient sérieux, respectueux. » Pourtant, le vernis du « covoiturage » s’écaille vite. A Lyon, à la sortie du parc des expositions Eurexpo, « pas mal de clients appelaient des taxis, d’autres des Uber, relate Nadir. Il y avait énormément de monde et les taxis avaient du mal à retrouver leurs clients. Aidés par la géolocalisation, on pouvait enchaîner trois fois plus de courses qu’eux ».

UBER FILES - Le lexique

En novembre 2014, à Lyon, une soirée « dégénère ». Les « UberPop » affluent à la sortie d’un festival électro. Des taxis réagissent avec violence. « Pneus crevés, rétroviseurs cassés, intimidations… », égrène Nadir. Dans d’autres villes aussi, les incidents se multiplient, obligeant les chauffeurs à des parades pour garantir leur sécurité. Nadir et ses homologues « se signalent sur WhatsApp les endroits où les taxis se regroupent ». A la même période, Thierry, « coincé un jour par un taxi » qui lui bloque la route, prend l’habitude de demander aux clients de monter devant. Les chauffeurs décrochent leur smartphone du tableau de bord pour passer inaperçus. « C’était tendu autour des lieux de fête, complète Abdel, qui roule pour UberPop à partir de l’été 2014. Il y a des endroits où je n’allais plus. »

« Uber Files », une enquête internationale

« Uber Files » est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde.

Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.

Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.

Retrouvez tous nos articles de l’enquête « Uber Files »

« Il fallait qu’on se débrouille »

Début 2015, Thierry se plaint auprès d’Uber de difficultés croissantes, de la part des taxis, mais aussi de « chauffeurs UberPop qui font un peu n’importe quoi, se pointent avec une voiture différente de celle qu’ils déclarent et se refilent les comptes ». Des griefs restés lettre morte, assure-t-il : « Les gens d’Uber nous expliquaient que c’était compliqué, en ce moment, et qu’en gros, il fallait qu’on se débrouille. » Le chauffeur finit par jeter l’éponge après neuf mois au volant. « Se plaindre, c’était comme pisser dans un violon, abonde Nadir. On tombait sur des personnes avec des réponses toutes faites : “On vous garantit que vous avez le droit de rouler”, “Une société comme la nôtre ne serait pas hors la loi”… »

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