Curiosité, perplexité, nervosité, excitation… Toutes les nuances de sentiments s’exprimaient dans l’assistance lorsque Ted Sarandos, coprésident de Netflix, chemise rayée, veste grise et sourire Ultra Brite, s’est vu remettre, le 23 juin, le trophée de personnalité de l’année dans le divertissement, dans l’imposant bunker du Palais des festivals, à Cannes, tandis que se tenait la 69e édition du Festival international de la créativité des Cannes Lions, qui réunit le gotha mondial de la publicité et du marketing.
Une manière, à peine déguisée, pour le géant du streaming vidéo, de marquer son territoire en s’offrant une caisse de résonance médiatique mondiale, alors qu’il vient de traverser un premier trimestre désastreux avec la perte de 200 000 abonnés. Comme escompté, le co-PDG de Netflix a confirmé le lancement prochain d’un abonnement à moindre coût pour les nouveaux clients, financé par la publicité. Peu avant Netflix, Disney avait annoncé vouloir, lui aussi, introduire de la publicité dans ses programmes.
De fait, Netflix veut aller vite, très vite. Selon un expert média du secteur, l’irruption dans la publicité du géant californien aux 200 millions d’abonnés et de Disney + pourrait se concrétiser dès la fin de l’année 2022, avec environ quatre minutes par heure de spots sur leurs plates-formes, contre douze minutes actuelles pour la télévision linéaire.
Hybridation croissante
Bien que cantonnée à des termes vagues, l’intervention de Ted Sarandos a rassuré. Surtout, la porosité et l’hybridation croissante entre télévision linéaire et chaînes de streaming deviennent flagrantes : « Si Netflix et Disney ouvrent leur porte à la publicité après Amazon Prime, HBO Max, Hulu… il n’y a pas de raison pour que la future chaîne de streaming à laquelle songent TF1 et M6 ne puisse pas également commercialiser des spots… A terme, le modèle publicitaire devrait devenir le business model de référence des chaînes de streaming », juge Philippe Nouchi, directeur de l’expertise média de Publicis Media.
Prudente, Florence Doré, directrice marketing de Kantar Media France, table sur « un effet de substitution des messages publicitaires plutôt qu’un effet de cumul. Les annonceurs n’ont pas un budget indéfiniment extensible et il faudra que Netflix puisse mettre en place sa propre régie, être en mesure de revendiquer une audience sur son modèle low cost… Pour nous, il s’agit simplement d’une offre supplémentaire, pas forcément d’une énorme manne. »
Mais les agences rongent leur frein. Chaque soir, en prime time, elles ont le sentiment d’assister, impuissantes, à l’envol des spectatrices « de moins de 50 ans responsables des achats » des écrans de TF1 et M6… vers ceux de Netflix et Disney +.
Il vous reste 77.97% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.