En 2023, le classement de Shanghaï aura 20 ans. Replonger dans ses prémices, c’est renouer avec une époque, foisonnante, où l’idée d’ouverture au monde a soudainement supplanté les préventions héritées de la guerre froide. La globalisation des échanges économiques a eu son versant académique, encore peu perceptible lorsque l’université Jiao Tong de Shanghaï publie, à l’été 2003, son premier classement international des établissements d’enseignement supérieur.
Le palmarès, commandé par le gouvernement chinois, a alors un objectif précis : déterminer les caractéristiques d’une grande université internationale afin d’accélérer la modernisation des universités chinoises selon les standards scientifiques des universités nord-américaines de l’Ivy League, Harvard en tête. Depuis 2009, l’équipe chargée du classement est devenue une société de consultants indépendante, Shanghai Ranking, dont les bureaux sont tout proches de l’université Jiao Tong.
Ce qui devait permettre de mesurer l’écart entre établissements chinois et américains a donné naissance à un véritable marché mondial des universités. Chaque été, les pays scrutent les performances de leurs leaders, en matière de recherche – critère prédominant dans ce classement, fondé sur le nombre de publications scientifiques, de prix Nobel et de médailles Fields. « De la même manière qu’on pouvait classer les entreprises, il est devenu normal de classer les universités, en concurrence entre elles pour attirer les meilleurs étudiants, les meilleurs enseignants et chercheurs, les meilleurs partenaires économiques et financiers », résume Jean-François Cervel, qui était en 2003 le directeur adjoint du cabinet de la ministre déléguée à la recherche, Claudie Haigneré.
En 2004, pour donner la réplique, le consultant britannique Quacquarelli Symonds (QS) s’allie au magazine Times Higher Education, un supplément du Times. Ils se sépareront par la suite, pour établir chacun leur propre classement international : QS World University Rankings et Times Higher Education (THE). « THE développe également une activité commerciale, apportant ses services pour aider les universités à bien renseigner les classements, au risque d’un conflit d’intérêts », détaille Jean-Yves Mérindol, ancien président d’université (Strasbourg puis Sorbonne Paris Cité), qui travaille à la rédaction d’une histoire de l’enseignement supérieur français. De son côté, QS propose des prestations en « stratégie de la donnée » pour attirer les meilleurs profils et financements.
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