« Illisible », « inadapté », « insuffisant », « infantilisant » : les organisations représentatives étudiantes n’ont pas de mots assez durs pour qualifier le système d’allocation des bourses sur critères sociaux, géré depuis 1995 par les 26 centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous). Réputée très technique et plusieurs fois repoussée lors du précédent quinquennat, la réforme des bourses est le premier dossier sensible que s’apprête à ouvrir Sylvie Retailleau.
Une concertation doit démarrer la première quinzaine de septembre, a annoncé la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, lors de son audition devant la commission de la culture et de l’éducation du Sénat, le 20 juillet. Elle devrait se décliner localement, réunissant l’ensemble des parties prenantes, établissements, rectorats, Crous, organisations étudiantes, collectivités locales et secteur associatif. « La mise en œuvre ne sera pas simple », a précisé la ministre, qui escompte de « premiers impacts » à la rentrée 2023 et « une finalisation de la réforme un peu plus tard ».
S’attaquer au sujet des bourses, c’est ausculter les conditions de vie d’une jeunesse qui s’est précarisée. La crise sanitaire a révélé une réalité crue : on peut être étudiant et manquer de nourriture. « Si les files d’attente aux distributions alimentaires ne désemplissent pas, c’est bien que le système des bourses ne permet pas de répondre aux besoins », illustre Eléonore Schmitt, secrétaire nationale du syndicat étudiant L’Alternative.
Accordées en fonction des ressources des parents et des charges liées aux caractéristiques de la famille, les bourses comptent huit échelons, du plus élevé (5 679 euros annuels) au plus bas (1 032 euros annuels). En 2020-2021, 750 000 étudiants ont perçu cette aide financière (38,4 % de ceux inscrits dans des formations habilitées par le ministère à recevoir des boursiers), soit une augmentation de plus de 4 % en un an. Pour les étudiants ayant les plus faibles ressources, la hausse atteint 7 %, selon une note statistique du ministère.
Classes moyennes exclues
Le principal grief à leur encontre est que les bourses manquent en partie leur cible. La ventilation des montants par échelon génère des effets de seuil et exclut de fait toute une population issue des classes moyennes. « Des variations légères du revenu des parents peuvent, dans certains cas, entraîner des variations importantes liées au passage d’un échelon à un autre, a relevé une mission sénatoriale dans un rapport sur les conditions de vie étudiante, en juillet 2021. Par exemple, un revenu qui évolue de 22 500 euros annuels à 22 501 euros induit une réduction de la bourse de 667 euros, soit 40 % de son montant. »
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