Aurait-on atteint le niveau maximum d’égalité entre les femmes et les hommes ? C’est en tout cas ce que laissent supposer les « Projections démographiques de population active à l’horizon 2080 », publiées en juillet par l’Insee. Il y est en effet projeté la fin de la progression du taux d’activité des femmes, qui stagnerait donc à son niveau actuel (sauf pour les plus de 55 ans, pour lesquelles une hausse est anticipée). L’écart entre les taux des hommes et des femmes serait figé à sa valeur actuelle, soit plus de 8 points pour la tranche d’âge de 25 à 54 ans (respectivement 92 % contre 84 %). C’est « un écart important qui subsistera entre l’activité des hommes et des femmes », indique simplement la note ! Il traduit pourtant une forte inégalité en matière d’accès à l’emploi, qui apparaît ainsi pérennisée pour les décennies futures. En parallèle, la part totale des femmes dans la population active, qui progressait jusqu’à présent, aurait atteint son maximum en 2021 (48,9 %) et elle diminuerait ensuite. Déjà dans son exercice de 2006, l’Insee projetait sa régression après 2015, ce qui n’a pas eu lieu.
Les projections de l’Insee (et celles du Conseil d’orientation des retraites, COR) ont pour fonction de présenter les perspectives à moyen et long terme au regard des évolutions potentielles démographiques, économiques et sociales. Ce sont des outils d’aide à la décision pour les responsables politiques. Présenter ainsi un avenir figé pour l’emploi des femmes aboutit à effacer du registre des possibles le progrès potentiel en la matière. L’emploi des femmes résulte de choix politiques.
On sait pourtant que les politiques menées influencent grandement l’activité des femmes dans un sens incitatif ou au contraire dissuasif. Rappelons l’effet très régressif d’une mesure adoptée en 1994 : l’allocation parentale d’éducation qui existait auparavant pour les parents de trois enfants a été étendue aux parents de deux enfants. Cette mesure a incité de nombreuses femmes à se retirer du marché du travail pour s’occuper de leurs enfants : en trois ans, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le taux d’activité des mères de deux enfants et plus a ainsi chuté de 16 points.
Avoir un emploi (de qualité) est le souhait majoritaire des femmes. C’est la condition de leur autonomie financière, de leur émancipation. Mais elles se heurtent à de nombreux obstacles, sur lesquels une politique adaptée peut pourtant agir : outre les inégalités persistantes de salaires et la précarité de nombreux métiers féminisés, on peut évoquer l’insuffisance de services d’accueil de la petite enfance. Même si la situation en France est meilleure que dans les pays voisins, la moitié des moins de 3 ans, soit 1 million d’enfants, ne trouve toujours pas de place d’accueil (la promesse récente de créer 200 000 places de crèches est loin de répondre aux besoins). Au final, en 2019, la France ne se situe qu’au vingtième rang des trente-huit pays de l’OCDE pour le taux d’emploi des femmes.
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