En France, 17% du gaz vient de Russie. Si demain Moscou décidait de couper le robinet, il faudrait mettre le turbo sur l'efficacité et la sobriété énergétiques et demander aux industriels de produire moins. Autre solution, développer la méthanisation. Cette technologie qui consiste à transformer des déchets organiques en gaz renouvelable a démarré en France il y a dix ans. Mais désireux de ne pas déstabiliser notre agriculture, les pouvoirs publics ont fixé un plafond de 15% à l'incorporation de cultures alimentaires dans ces équipements. Résultat, l'Hexagone compte en mars 2022, 401 sites d'injection, vingt fois moins que l'Allemagne qui a structuré sa filière autour de cultures dédiées.
Stabilité tarifaire
Cette production a aussi été entravée par les recours et oppositions. Il y a 18 mois, le débordement des résidus d'une cuve de méthanisation dans le Finistère avait privé d'eau potable 180.000 personnes. Aujourd'hui, c'est le plus grand projet français, en Loire-Atlantique, qui subit un vent de fronde. Au total, la méthanisation représente 1,5% de la production gazière française, un volume faible mais qui a crû de 71% par rapport à 2020. "Fin 2023, la production devrait s'élever à 14 TWh/an, (soit la consommation pour 1,4 million de foyers), un objectif que la programmation pluriannuelle de l'énergie avait fixé à 2028", se félicite Laurence Poirier-Dietz, directrice générale du distributeur de gaz GRDF.
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Comment passer la surmultipliée? La conjoncture pourrait aider, avec des prix du gaz qui ont explosé, passant de 25 euros le méga wattheure à plus de 200 euros parfois. Dans ce contexte, le biogaz apparaît comme un gage de stabilité. "En Belgique et Allemagne, nous avons conclu avec de grandes entreprises des contrats d'approvisionnement à long terme, et on pourrait le faire prochainement en France", indique Lionel Le Maux, président du fonds Transition Evergreen, actionnaire d'Evergaz, un des champions français de la méthanisation.
Les autres pistes pour développer le secteur sont règlementaires. Aujourd'hui, les porteurs de projets ne sont pas incités à produire au-delà d'un volume prédéfini. S'ils le font, le surplus n'est pas éligible au tarif de rachat. Demain, ce verrou pourrait sauter. La filière demande aussi l'extension du délai de trois ans séparant la signature des contrats d'achat sur quinze ans de la date de mise en service. Ils militent pour une adaptation du cadre des grandes installations qui ne bénéficient pas de tarifs d'achat. Une procédure d'appel d'offres avec un prix fixe du biogaz est envisagée. Les professionnels attendent aussi avec impatience les certificats de production de gaz vert votés en août dernier dans le cadre de la loi climat. Une fois les décrets d'application publiés, les fournisseurs de gaz seront tenus d'acheter un pourcentage de gaz vert. Cette disposition va doper la filière. Mais pas suffisamment pour remplacer demain le gaz russe.
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La construction des projets peut prendre plus de trois ans. Et il faut convaincre une opinion rétive. Le développement de la méthanisation devrait cependant se poursuivre.
"Les gaz verts sont l'assurance d'une transition énergétique maîtrisée, car les investissements d'infrastructure dans l'adaptation de nos réseaux sont moins lourds que dans l'électrique, note Laurence Poirier-Dietz. Pour 200 TWh, il faut compter 10 milliards d'euros, contre plus de 250 milliards pour 200 TWh électriques." En 2030, les intrants agricoles devraient représenter 20% de la production de gaz. Ce sera 50% en 2050. Le reste sera composé d'autres gaz verts, notamment l'hydrogène.