Manque-t-il un ministre dans le gouvernement d’Elisabeth Borne ? Alors que sécheresses et incendies frappent durement la forêt, faut-il réformer la politique et l’organisation de l’Etat pour faire face aux enjeux ? Si une partie des acteurs et des observateurs souhaitent avant tout que soient mises en œuvre des orientations déjà annoncées, certains appellent de leurs vœux des évolutions structurelles plus profondes.
« S’il n’y a aucun changement à la suite de cet été, il y a un souci, estime Daniel Perron, juriste et spécialiste des politiques forestières. On ne peut pas considérer que donner davantage de moyens aux pompiers sera la seule réponse à la crise de la forêt. » Extension du risque d’incendies, attaques de ravageurs, manque d’eau à répétition… Les défis, essentiellement liés au dérèglement climatique, sont immenses. Sur la première quinzaine d’août, 53 départements ont connu un feu de plus de 10 hectares, un chiffre inédit.
Depuis 2017, le volume de bois récolté en mauvais état sanitaire a été multiplié par quatre dans les forêts publiques. Et d’ici à 2050, un tiers des 17 millions d’hectares de forêt métropolitaine est menacé de dépérissement. Des espèces, telles que l’épicéa en plaine ou le frêne, risquent de disparaître. La capacité des massifs à stocker du carbone diminue et les arbres poussent moins vite. Au niveau économique, toute la filière est fragilisée.
Malgré l’urgence, beaucoup estiment que la forêt est devenue le « parent pauvre » des politiques publiques. Au cours des dernières décennies, les moyens humains et financiers ont considérablement diminué.
« Absence de portage politique fort »
L’Office national des forêts (ONF), qui gère les forêts publiques – soit 25 % de la forêt métropolitaine –, a perdu 5 000 emplois en vingt ans. Pour conseiller et accompagner les 3,5 millions de propriétaires privés, le Centre national de la propriété forestière (CNPF) s’appuie sur quelque 310 salariés, un chiffre en baisse depuis cinq ans, et ne dispose pas d’outils numériques permettant la télédéclaration des documents de gestion. « Dans le Grand-Est, une grande région forestière, il n’y a plus dans les services de l’Etat que trente et une personnes qui s’occupent des forêts de douze départements », cite encore Gilles Van Peteghem, un ingénieur forestier qui a exercé de nombreuses fonctions au sein de la filière au cours des quarante dernières années.
La dernière grande loi forestière, votée à l’unanimité, date de 2001. Le dernier ministre de la forêt, René Souchon, a lui été nommé en 1985. Stéphane Viéban, le directeur général de la puissante coopérative forestière du Sud-Ouest Alliance Forêts Bois, se souvient l’avoir rencontré à l’occasion du 100e anniversaire de son école forestière. « C’est symbolique mais on regrette qu’il n’y ait pas la lettre “F” dans le sigle du ministère de l’agriculture, estime-t-il aujourd’hui. On se sent un peu orphelin. » La forêt, désormais, relève d’une sous-direction du ministère de l’agriculture, qui s’occupe également du cheval et de la bioéconomie.
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