Pendant seize ans, Stéphane (les personnes citées par leur prénom n’ont pas souhaité donner leur nom) a formulé la même demande, chaque année : être muté de l’académie de Créteil, où il enseigne en lycée professionnel depuis qu’il y a été affecté en début de carrière, vers l’académie de Bordeaux, dont il est originaire. Au mois de mars, « miracle », la réponse a fini par être positive, raconte Sandra, sa femme. Mais le soulagement a été de courte durée pour ce couple avec deux enfants. Professeure des écoles dans le Val-de-Marne, Sandra s’est vu, elle, opposer un refus à la demande de mutation qu’elle formule depuis huit ans.
« Il y avait des besoins en Gironde, mais le Val-de-Marne n’a pas autorisé mon départ en raison du manque d’enseignants dans le département », explique l’enseignante de 36 ans, confrontée dès lors au choix cornélien de vivre à 600 kilomètres de son conjoint, en payant deux logements et les trajets hebdomadaires, ou de renoncer, du moins temporairement, à exercer le métier « pour lequel [elle a] fait cinq ans d’études et passé un concours difficile ».
Comme tous les enseignants, le couple connaissait les règles en passant le concours dans le public. S’ils formulent des vœux, les professeurs ne choisissent pas leur premier lieu d’exercice, selon des règles qui diffèrent entre premier et second degrés.
Dans le primaire, le recrutement est académique et les lauréats ne peuvent être affectés que dans l’un des départements de l’académie dans laquelle ils ont été reçus, qui n’est pas nécessairement celui où ils vivent. Pendant près de trois ans, entre 2018 et 2021, Cécile, 38 ans, a ainsi dû faire les trajets entre Cherbourg (Manche), la ville où elle habite, et Flers (Orne), la ville où elle enseigne, faute d’obtenir une mutation. « J’ai été affectée à Flers pour mon premier poste en 2014. Au départ, je ne rentrais que le week-end, mais, au bout de quelques années, j’en ai eu marre et j’ai commencé à faire des trajets quotidiens », raconte la professeure des écoles. Près de quatre heures de route les lundis, mardis, jeudis et vendredis, départ de la maison à 5 h 30 et retour à 19 heures.
Mouvement « complètement sclérosé »
Dans le secondaire, le recrutement est national et les admis au concours sont affectés n’importe où sur le territoire, en fonction des besoins dans chaque discipline. Ceux qui souhaitent ensuite changer de département en primaire ou d’académie dans le secondaire doivent se soumettre à un système basé sur un barème de points (un enseignant tout juste titularisé en a 14), dont le nombre augmente avec l’ancienneté et selon la situation individuelle et familiale – un éventuel handicap – ou encore la nature du poste occupé. « Un enseignant marié avec des enfants aura, de fait, plus de chances d’être muté qu’un célibataire », résume le ministère de l’éducation nationale.
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