« M », le TGV du futur de la SNCF prêt à entamer ses essais
Les TGV de cinquième génération, commandés par la SNCF en août 2018, vont bientôt entamer leur phase de production chez Alstom. Après s'être interrogé sur ses besoins avec la crise sanitaire, l'opérateur national est revenu au volume de livraison initial, mais le programme accusera à son lancement plusieurs mois de retard.
Par Denis Fainsilber
Il sera livré plus tard que prévu, à la fin 2024 au lieu de la période de mi-2024 précédemment annoncée pour tenir le rendez-vous des Jeux Olympiques, mais le « TGV du futur » de la SNCF approche du but. Commandé à raison de 100 rames en août 2018, puis 15 unités supplémentaires pour des destinations européennes , soit un montant total de 3,5 milliards d'euros, le « TGV M » a été dévoilé en grande pompe, vendredi, sur le site Alstom de La Rochelle.
Cette première rame, encore dépourvue de ses aménagements intérieurs et présentée en « marque blanche » (les couleurs du client attendront), partira début octobre effectuer ses essais d'homologation en République tchèque, avant de parfaire le programme en France l'an prochain.
« Bras stratégique »
« Le TGV M sera le bras stratégique de notre développement de la grande vitesse, souligne Christophe Fanichet, le PDG de SNCF Voyageurs. Nous devons garder une longueur d'avance sur les autres modes de transport, mais également sur les autres compagnies ferroviaires. Le TGV est une des armes qui nous permettra de doubler la part modale du rail. »
Après les turbulences de la crise du Covid et ses multiples rebondissements, la SNCF y voit plus clair sur son plan de marche à moyen terme. Elle avait d'abord choisi de replier la toile, en demandant au constructeur Alstom de ne plus lui livrer que 9 rames TGV M par an, à partir de 2025, avant de revenir au plan de base qui portait sur 12 unités par an.
A cette cadence, les livraisons devraient s'échelonner jusqu'en 2032, et même jusqu'en 2040 si la SNCF lève sa centaine d'options, faisant tourner dix usines Alstom en France , de Belfort à Tarbes, et un effectif 4.000 salariés.
Inoui et Ouigo seront servis
Pour ses débuts, les TGV M seront déployés fin 2024 sur le réseau sud-est (Paris-Lyon-Marseille), aussi bien sous les couleurs d'Inoui que dans la version haute densité Ouigo, qui pourra compter au maximum 740 sièges en « tout-éco » - contre 634 places dans les rames actuelles. Ils seront également alignés en 2026 face à Trenitalia sur la desserte de Turin et Milan , pour remplacer les trains français en fin de vie.
L'un des atouts principaux du dernier-né d'Alstom sera sa modularité : une rame pourra compter 9 voitures en version de base, soit une de plus que les TGV actuels, mais il sera également aisé d'en retirer une ou deux. Et côté intérieur, de moduler à loisir le nombre de sièges de seconde ou première classe selon les besoins.
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Les contours du nouveau train à 30 millions d'euros pièce sont figés depuis déjà plusieurs années : la modularité a été préférée à la vitesse. La typologie de la clientèle ayant beaucoup changé, « aujourd'hui on a trop de voitures de première classe, soit trois voitures contre cinq pour les seconde, et on ne peut pas les bouger », détaille Alain Krakovitch, directeur de TGV-Intercités.
Avec cette modularité, et un gain de place à bord de 20 % conféré par une motorisation plus compacte et le déplacement d'équipements techniques à l'avant plutôt que sous le bar en milieu de rame, la SNCF pourra vendre plus de billets sans nécessairement accroître son parc de trains rapides, qui compte 360 unités pour le moment. « Il n'est pas évident que le nombre de rames augmente, mais le nombre de places, oui », poursuit ce dernier.
Economies d'électricité
Le « partenariat d'innovation » entre la SNCF et Alstom remonte déjà à 2016, et à débouché sur un atout important en cette période de décuplement du prix de l'électricité : son cahier des charges fixe à 20 % l'économie d'énergie , grâce à un aérodynamisme du nez revu en profondeur et un système de renvoi de l'énergie du freinage vers les caténaires, comme le font depuis longtemps les voitures hybrides ou électriques vers les batteries.
Sur les coûts de développement, alors que tous les TGV de la SNCF étaient des modèles « sur mesure », les ingénieurs d'Alstom piochent désormais dans le catalogue de composants de leur gamme Avelia, commune à d'autres exploitants, permettant des économies de conception.
Quant au décalage industriel du programme, les responsables des deux groupes s'en accommodent, du moins lorsqu'ils ne discutent pas à huis clos des délais et des incontournables clauses de révision de prix après inflation. Avec la crise sanitaire, « nous avons été impactés par des aléas comme toutes les industries, mais globalement, le projet est bien tenu », estime Jean-Baptiste Eyméoud, le président d'Alstom France.
Denis Fainsilber