La pénurie de main d'oeuvre au coeur de la rentrée

Au 31 décembre 2021, 20 197 vétérinaires étaient inscrits au tableau de l'Ordre des vétérinaires.

© Herraez - Adobe

Michel JEANNEY

Démographie

Les données du 7e Atlas démographique de la profession vétérinaire publié cet été et les perspectives analysées au sein de l'Observatoire national démographique de la profession vétérinaire laissent augurer que les difficultés de recrutement que la profession connaît aujourd'hui risquent de perdurer pendant encore longtemps. Au cours des cinq dernières années, le déficit cumulé en vétérinaires entrants au tableau de l'Ordre pour répondre aux besoins dus à la hausse du marché vétérinaire est estimé à près de 2 700 confrères.

Alors que 768 étudiants vétérinaires font leur entrée cette année dans les écoles vétérinaires françaises - dont 100, pour la première fois, dans un établissement privé (lire ici) -, la pénurie de main d'oeuvre dans le secteur vétérinaire ne faiblit pas.

Cette problématique n'est pas spécifiquement vétérinaire puisque d'autres branches sont touchées. La dernière assemblée générale de la Fédération vétérinaire européenne, en juin, a en outre montré que le manque de vétérinaires n'est pas propre à l'Hexagone, les autres pays européens ainsi que les États-Unis et le Canada étant également touchés (lire DV n° 1628).

En France, la publication cet été du 7e Atlas démographique de la profession vétérinaire n'a fait que davantage objectiver et préciser un phénomène qui a commencé il y a près de dix ans.

Si le nombre de vétérinaires inscrits au tableau de l'Ordre ainsi que les primo-inscrits sont en augmentation et si le nombre de sortants se stabilise, cette dynamique positive ne semble pas en effet en adéquation avec les besoins.

Franchissement de la barre des 20 000 inscrits à l'Ordre

Au 31 décembre 2021, 20 197 vétérinaires étaient inscrits au tableau de l'Ordre des vétérinaires contre 19 530 à la même date en 2020, soit une progression de 667 inscrits (+ 3,42 %). Cette hausse était de 3,48 % en 2020, ces deux dernières années affichant une croissance supérieure aux années précédentes. Une relative stabilisation était en effet enregistrée depuis 2016 (+ 1,76 % en 2019 et + 0,6 % en 2018).

« En 2021, 1 364 vétérinaires se sont inscrits au tableau de l'Ordre, dont 1 116 nouveaux inscrits. 54,6 % de ces primo-inscrits ne sont pas issus d'une école vétérinaire française », précise l'Ordre dans sa revue d'août, qui souligne qu'aujourd'hui, plus d'un tiers des vétérinaires inscrits au tableau de l'Ordre est titulaire d'un diplôme délivré hors de France.

Autre constat, parmi les vétérinaires qui quittent le tableau de l'Ordre, près d'un sur deux a moins de 40 ans, « en forte augmentation parmi cette tranche d'âge », explique la revue.

« Entre 2017 et 2021, l'érosion (différence entre les sortants de moins de 40 ans et les réentrants) par sortie du tableau avant l'âge de 40 ans s'établit à une centaine de diplômes par an », souligne l'Ordre.

Dans ce contexte, l'Observatoire national démographique de la profession vétérinaire s'est doté, en 2019, d'un outil permettant d'estimer le besoin en nouveaux effectifs vétérinaires (autrement dit, le besoin en vétérinaires entrants au tableau de l'Ordre).

Une croissance moyenne du marché de 7,7 % par an

Ce besoin dépend évidemment de la croissance annuelle du marché vétérinaire. Dans un contexte de croissance annuelle de 4,5 % pour les animaux de compagnie par exemple, le besoin en nouveaux effectifs est ainsi estimé à 698 vétérinaires animaux de compagnie et 906 vétérinaires toutes espèces confondues.

Or, relève la revue de l'Ordre, entre 2017 et 2021, les statistiques de l'Insee montrent une croissance moyenne annuelle globale du marché vétérinaire de... 7,7 %, « supportée majoritairement par les activités canines » avec une « bonne tenue des autres secteurs d'activités sur la même période ».

Ainsi, pendant cette période, le besoin annuel moyen en vétérinaires entrants est estimé à 1 640 (1 462 en animaux de compagnie, 185 en animaux de rente ruminants, 12 en équidés, 23 en animaux de rente monogastiques, 9 en activités « autres »).

Un déficit annuel moyen de 532 vétérinaires

En fonction de la variation annuelle, l'observatoire a calculé les écarts constatés entre les besoins estimés et le nombre d'entrants au tableau de l'Ordre par année (voir tableau).

Entre 2017 et 2021, l'écart cumulé entre les besoins estimés et les entrants s'élève ainsi à - 2 660 vétérinaires, soit une moyenne annuelle de 532 vétérinaires manquants pour répondre à la hausse du marché vétérinaire.

Pour 2021, par exemple, le déficit est de - 144 vétérinaires compte tenu d'un besoin de 1 508 inscriptions pour une croissance du marché effective de 7,1 % alors que les vétérinaires qui se sont inscrits au tableau de l'Ordre au cours de cette année sont 1 364.

« Même si le marché en ce début 2022 semble marquer le pas et amortira probablement une partie du déficit constaté, le retard accumulé durant ces cinq dernières années prendra du temps à être comblé par l'arrivée de nouvelles promotions vétérinaires », commente la revue de l'Ordre.

« Force est de constater que le déficit en vétérinaires apparaît durable et que les difficultés de recrutement que la profession connaît aujourd'hui risquent malheureusement de perdurer pendant encore longtemps au regard de la croissance affichée ces 10 dernières années par le marché des animaux de compagnie », conclut-elle.

Gros Plan : Secteur libéral : nette progression de la proportion de vétérinaires salariés en 2021

Les données du 7e Atlas démographique de la profession vétérinaire paru cet été mettent en évidence une nette progression de la proportion de vétérinaires salariés du secteur libéral en 2021 par rapport à 2020 avec + 6,6 %, soit désormais 37 % des vétérinaires inscrits au tableau de l'Ordre, souligne la revue de l'Ordre d'août.

« La tendance vers le choix de l'exercice salarié semble s'installer durablement au regard des chiffres des 5 dernières années », commente-t-elle.

En revanche, la proportion de vétérinaires inscrits en exercice libéral est en constante diminution et recule de 1 % en 2021. Leur nombre est cependant stable sur les 5 dernières années. M.J.

Écarts sur les 5 dernières années entre les besoins en vétérinaires entrants au tableau de l'Ordre estimés en fonction du marché vétérinaire et le nombre d'entrants réel
Écarts sur les 5 dernières années entre les besoins en vétérinaires entrants au tableau de l'Ordre estimés en fonction du marché vétérinaire et le nombre d'entrants réel

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1629

Envoyer à un ami

Mot de passe oublié

Reçevoir ses identifiants