Dans l’amphithéâtre bondé, cinq silhouettes en toge descendent les marches. Le regard des étudiants se pose sur leurs épaules, recouvertes d’une étoffe rouge écarlate et d’une hermine, qui tranchent sur les robes noires. Ce 1er septembre, c’est la rentrée solennelle des professeurs de « Paris-XII », comme le doyen de la faculté de droit, Laurent Gamet, se plaît à nommer encore l’université Paris-Est-Créteil (UPEC).
Dans quelques minutes, le professeur, qui est aussi avocat, prononcera un discours intitulé « Ad astra per aspera », « Des voies ardues pour mener aux étoiles ». Les auditeurs, néobacheliers, ne constituent qu’une partie de la promotion de première année de licence, qui compte 1 350 étudiants – la moitié sont des redoublants.
« A mon époque, nous étions souvent accueillis fraîchement à la fac de droit, commence Laurent Gamet. Le professeur nous disait de regarder nos deux voisins sur la droite et nos deux voisins sur la gauche, et de nous rendre compte qu’entre les cinq, il n’en resterait plus qu’un sur le banc l’année suivante. » Des regards inquiets se croisent dans les travées. « On ne sait pas qui vous êtes ni d’où vous venez, mais si vous remplissez les conditions qui vont suivre, vous serez avocats, juristes en entreprise ou notaires, et heureux de l’être », scande le doyen.
Le chemin sera ardu : en 2021, seuls 13 % des étudiants ont réussi leurs examens au premier tour. Lors des galops d’essai du mois d’octobre, la moyenne n’a pas dépassé 5 sur 20 et en fin d’année, 40 % des étudiants de première année ne se sont pas présentés aux épreuves. « Sachez qu’ici, on ne se satisfait pas de cet échec en première année, d’autant que le marché de l’emploi est à flux tendu et absorbe tous les juristes que l’on forme. Car nous allons en manquer en France ! », alerte Laurent Gamet.
« Je vais travailler plus que jamais »
« Ça fait quand même peur de se dire que nous ne serons peut-être pas là en deuxième année, glisse Andie Soussan en sortant de l’amphithéâtre. Il va falloir que je trouve comment me démarquer. » Pour mettre toutes les chances de son côté, la jeune fille se promet de « ne jamais louper de cours » et de n’en suivre aucun à distance : « Je n’ai pas du tout envie de revivre cette situation, ça a été trop dur au lycée. »
Pour redresser le niveau, les professeurs ont ouvert au printemps une réflexion avec un panel d’étudiants aux profils variés, pour établir un diagnostic. Le manque de motivation face à la masse de travail et l’emprise exercée par les distractions sur les écrans de téléphone et d’ordinateur expliquent largement la déroute. En cette rentrée, pour les volontaires, du tutorat auprès d’étudiants en master sera proposé chaque samedi matin ainsi qu’un programme de remise à niveau en langue française.
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