Une quarantaine de gilets pare-balles déposés sur le lino de la direction zonale de la police judiciaire (PJ), à Bordeaux, leur dossard barré d’une bande d’adhésif noir en signe de deuil : mardi 13 septembre, le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, aurait pu rêver meilleur accueil, lui qui venait expliquer le sens de la réforme engagée par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Les gilets ont été promptement retirés sur ordre de la hiérarchie. Trop tard, l’image circulait déjà sur les réseaux sociaux.
Depuis des mois, les enquêteurs de la police judiciaire redoutent de disparaître avec ce vaste plan de réorganisation. Leur crainte : devoir traiter l’énorme volume de la délinquance du quotidien au détriment des enquêtes les plus complexes sur le crime organisé ou les trafics internationaux – leur « cœur de métier », affirment-ils. Place Beauvau, on souligne au contraire le bénéfice à tirer d’un choc de simplification « attendu depuis quarante ans » : rationalisation des moyens et des effectifs avec un directeur unique de la police dans chaque département, fin d’un fonctionnement « en tuyaux d’orgues », où chaque service (PJ, police aux frontières, sécurité publique, renseignement) ne rend compte, aujourd’hui, qu’à sa direction centrale.
Longue lettre
Les débats ont pris un tour public avec la création de l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ), mi-août, et la prise de parole de plusieurs associations et syndicats de magistrats ou d’éminentes personnalités de l’ordre judiciaire comme François Molins, procureur général près la Cour de cassation, ou Marc Cimamonti, procureur général à Versailles, tous opposés à ce « démantèlement de la PJ ».
Désormais, voici venue la guerre de la com. M. Veaux en personne, chef d’orchestre de la réforme, a été prié de sortir de son habituelle réserve. Lui qui déteste la lumière et a mené toute sa carrière en civil dans des services de pointe de la PJ, s’est trouvé contraint d’enchaîner les interviews dans les colonnes du Parisien, sur Europe 1 ou Franceinfo. Le 1er septembre, il échangeait avec les grands patrons de la police judiciaire en province puis se fendait d’une longue lettre pour rassurer les troupes ; une semaine plus tard, il recevait les syndicats. Lundi 12 septembre, le ministre de l’intérieur a lui aussi écrit aux policiers et aux gendarmes, pour réaffirmer son objectif d’une présence accrue sur la voie publique. Dans la version de sa missive adressée aux fonctionnaires de police, il a ajouté une mention manuscrite : « Mon attention sera grande pour les services d’investigation. »
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