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Décryptage

Les lycées professionnels à l'aube d'un grand chamboule-tout

Les grandes lignes de la réforme des lycées professionnels dessinées par Emmanuel Macron interrogent dans les établissements. Elles impliquent la « reconversion » de certains professeurs - ceux qui enseignent des matières techniques dans des filières dont les débouchés sont jugés trop faibles.

Emmanuel Macron dans l'atelier « bois » du lycée professionnel Eric-Tabarly aux Sables-d'Olonne.
Emmanuel Macron dans l'atelier « bois » du lycée professionnel Eric-Tabarly aux Sables-d'Olonne. (Ludovic Marin/Pool/AFP)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 14 sept. 2022 à 18:39Mis à jour le 14 sept. 2022 à 19:05

Les dés de la réforme des lycées professionnels sont jetés et, quoiqu'encore très flous, ils inquiètent les établissements concernés. Emmanuel Macron, depuis les Sables-d'Olonne, a tracé mardi les grands axes de ce chantier « pour les mois à venir » .

Le chef de l'Etat entend s'attaquer aux filières qui ont « trop peu de débouchés » . Ce faisant, il ouvre le chantier délicat de la « reconversion » de certains professeurs qui enseignent des matières techniques dans des filières dont les débouchés sont jugés trop faibles. Sur les 59.000 professeurs de lycées professionnels répertoriés par l'Education nationale, 35.000 enseignent des disciplines professionnelles. Le président de la République veut un état des lieux bassin d'emploi par bassin d'emploi sur les filières qui insèrent.

« Déclaration de guerre »

Sous le précédent quinquennat, cette logique avait déjà concerné les professeurs de gestion-administration, une filière considérée comme n'insérant pas assez les élèves. « On a supprimé 800 postes de professeurs de secrétariat et comptabilité, mais l'administration de l'Education nationale a été incapable d'assurer leur reconversion, ils sont devenus professeurs de commerce-vente sans avoir été formés pour cela », déplore Pascal Vivier, à la tête du Snetaa-FO.

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Le premier syndicat de l'enseignement professionnel avait alors proposé des reconversions en professeurs des écoles, « mais l'Education nationale s'est opposée à ce que des professeurs de lycées professionnels changent de corps », déplore le syndicaliste. La reconversion proposée par le chef de l'Etat ? « On ne dit pas non, nous ne sommes pas des empêcheurs de tourner en rond, mais on a tous en tête le lourd passif de la filière gestion-administration. Si l'Education nationale s'y prend de la même manière, alors ce sera une déclaration de guerre », prévient Pascal Vivier.

« De nouveaux professeurs associés »

Pour couvrir les nouveaux besoins, dans les métiers de la rénovation thermique, de la chaudronnerie ou de l'hydrogène, le président de la République suggère par ailleurs de recruter « de nouveaux professeurs associés », issus du monde professionnel, qui donneraient quelques heures de cours, pour quelques années. L'annonce laisse sceptique dans les rangs syndicaux, alors que les entreprises font déjà face à des pénuries de main-d'oeuvre.

Et qu'est-ce qu'une formation « qui insère » ? s'interroge-t-on encore dans les lycées. Des élèves peuvent ne pas trouver un emploi avec un CAP ou un bac pro dans telle formation, mais ils vont pouvoir s'insérer s'ils décrochent un BTS.

Une éducation « locale »

Emmanuel Macron a tenté de rassurer les professeurs des matières générales. Eux s'inquiètent des conséquences de l'augmentation de 50 % de la durée des stages sur leurs enseignements. « On va plutôt les renforcer », a promis le chef de l'Etat en indiquant que, si les élèves partent plus longtemps en stage de manière échelonnée, il y aura davantage de « dédoublements de classes », soit « plus d'heures de français et de mathématiques, avec moins d'élèves ». Mais tout sera dans les mains des chefs d'établissement, l'exécutif voulant renforcer leur « autonomie ». Ce qui fait crainte à la FSU que les « volumes disciplinaires [soient] décidés localement » et que les élèves n'aient « plus les mêmes droits ».

On ne dit pas non, nous ne sommes pas des empêcheurs de tourner en rond, mais on a tous en tête le lourd passif de la filière gestion-administration.

Pascal Vivier Leader de la Snetaa-FO

Pour Emmanuel Macron, c'est toute la difficulté de l'exercice : renvoyer au local et ne pas prendre des décisions qui tombent d'en haut. Mais les syndicats alertent sur « une Education qui ne serait plus nationale, mais locale ».

« Pas de menace »

Les chefs d'établissement réunis au sein du SNPDEN se disent, eux aussi, « pas complètement rassurés ». « Il y a une vraie volonté d'améliorer l'image de la voie professionnelle et on ne peut que partager cet objectif, affirme Bruno Bobkiewicz, son secrétaire général, mais il manque des éléments de réponse, il faut une vraie concertation et pas seulement dans le cadre du Conseil national de la refondation . »

Il n'y a « pas de menace » sur le lycée professionnel, balayait l'Elysée à la veille de la visite d'Emmanuel Macron aux Sables-d'Olonne. Pourtant, la ministre déléguée Carole Grandjean « cherche à voir toutes les organisations syndicales avant le 22 septembre », relève un syndicaliste. C'est la date à laquelle l'intersyndicale pourrait donner le coup d'envoi d'une mobilisation.

Marie-Christine Corbier

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