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Décryptage

Hydrogène : la bataille des régions

Les patrons de collectivités jouent des coudes pour accueillir des projets liés à cette filière d'avenir. La concurrence se fait sur les compétences, l'offre de formation et les écosystèmes industriels.

« L'hydrogène est perçu comme une filière d'avenir permettant la réindustrialisation des territoires. »
« L'hydrogène est perçu comme une filière d'avenir permettant la réindustrialisation des territoires. » (SIMON DAVAL/MAXPPP)

Par Claire Garnier, Stephane Frachet, Hubert Vialatte, Françoise Sigot

Publié le 20 sept. 2022 à 16:09Mis à jour le 21 sept. 2022 à 09:55

Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Ile-de-France et Normandie. Il y a un an, ces quatre régions étaient sur la ligne de départ pour accueillir la « Tesla de l'hydrogène ». C'est finalement la commune de Douains, près de Vernon (Eure), en Normandie, que le constructeur Hopium a choisie pour assembler en 2025 sa berline haut de gamme à hydrogène. Avec la promesse d'un grand nombre d'emplois. L'usine emploierait à terme 1.500 salariés, comprenant un centre de R&D.

« C'est une combinaison de facteurs qui a joué en faveur de la Normandie », explique un proche du dossier, alors que la communication officielle d'Hopium est imminente. Selon cette source, « l'expertise automobile de la vallée de la Seine, l'offre de formation tournée vers la production industrielle et l'énergie, l'expertise hydrogène d'ArianeGroup à Vernon et la perspective d'une production massive d'hydrogène vert par Air Liquide dans la vallée de la Seine », ont conquis Hopium.

« 80 % des acteurs »

« Il y a compétition entre les régions, a priori dans celles où l'industrie est présente », observe Jan-Erik Starlander, responsable des relations avec les territoires de France Hydrogène, qui fédère la filière. Ce que confirme Hervé Morin, le président centriste de la Normandie, en clamant que sa région « est la plus industrielle de France, avec un PIB industriel de 22 %, comparable à l'Allemagne ».

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Laurent Wauquiez, le patron LR d'Auvergne-Rhône-Alpes, juge avoir les moyens de ses ambitions - être la première région hydrogène - car, répète-t-il, 80 % des acteurs nationaux de cette filière porteuse sont sur son territoire. Grenoble fait d'ailleurs figure de place forte au niveau national. Mais à Clermont-Ferrand, Michelin joue aussi la carte de l'hydrogène. Il est associé avec Faurecia dans Symbio, qui va fabriquer à Saint-Fons, dans la vallée de la chimie lyonnaise, une « giga factory » de piles à combustibles pour la conversion de l'hydrogène en courant électrique. Et il est impliqué à hauteur de 23 %, au côté d'Engie, dans la SAS Hympulsion, créée par la région pour développer la production et les usages de l'hydrogène.

La concurrence est vive. Si le Drômois McPhy construit à Grenoble une usine destinée à multiplier par sept ses capacités de production de stations à hydrogène, il a choisi Belfort pour son usine d'électrolyseurs. Un choix motivé par l'écosystème hydrogène de Belfort et par le fonds de revitalisation « Maugis », financé par Général Electric. « L'hydrogène est perçu comme une filière d'avenir permettant la réindustrialisation des territoires », analyse Jan-Erik Starlander.

Réindustrialisation

Pour ses électrolyseurs à oxyde solide, Genvia a d'abord prospecté en Auvergne-Rhône-Alpes avant de s'installer à Béziers (Hérault), au sein de l'usine Schlumberger spécialisée dans les systèmes de sécurité pour l'industrie pétrolière et gazière. Le projet est suivi de près par Carole Delga, la présidente PS de l'Occitanie, car il est synonyme de réindustrialisation.

Si l'activité de Schlumberger liée aux énergies fossiles est sans avenir, les compétences de ses salariés en chaudronnerie et en mécanique a été jugée précieuse. « Nous pouvons démarrer une ligne de prototypage avec une trentaine de personnes déjà formées aux meilleures techniques », se réjouit Florence Lambert-Hognon, PDG de Genvia, consortium rassemblant notamment Schlumberger et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.

Le projet, qui bénéficie du label européen PIIEC (programme important d'intérêt économique commun), sera subventionné par l'Etat à hauteur de 200 millions d'euros. Autre projet labellisé PIIEC, « Air Liquide Normand'Hy » (unité de production d'hydrogène renouvelable par électrolyse) à Port-Jérôme-sur-Seine, devrait recevoir un soutien de 190 millions. Après la pose de la première pierre par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, en mars, cette première unité française devrait recevoir, ce vendredi, la visite du commissaire européen Thierry Breton.

« Dix fois plus faible »

Les subventions n'ont visiblement pas pesé dans la balance pour Elogen et son projet de « gigafactory » de membranes d'électrolyseurs à Vendôme (Loir-et-Cher). « Plutôt que des considérations financières, nous avons été convaincus par le terrain à moins d'une heure de Paris, qui nous permet de nous étendre si le marché prend », explique Jean-Baptiste Choimet, directeur général d'Elogen. « La subvention que nous allons apporter au projet [2 millions d'euros] sera dix fois plus faible que ce qu'aurait pu apporter l'Ile-de-France », glisse François Bonneau, le président socialiste de la région Centre-Val de Loire.

Pour attirer les projets, les régions sont à l'offensive sur la formation. Jan-Erik Starlander cite « la Bourgogne-Franche-Comté avec le premier master sur l'énergie ayant une composante hydrogène, l'Occitanie avec le projet de campus sur les métiers de l'environnement intégrant l'hydrogène, et la Normandie avec un BTS de maintenance des systèmes énergétiques et un campus des métiers de l'énergie ». Les compétences sont le nerf de la guerre. « On évalue à 100.000 le nombre de créations ou de reconversions d'emplois dans la filière d'ici à 2030 », indique France Hydrogène, ajoutant que « toute la chaîne de valeur est présente » dans l'Hexagone.

Claire Garnier (à Rouen) avec Stéphane Frachet (à Tours), Françoise Sigot (à Lyon) et Hubert Vialatte (à Montpellier)

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