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Pêche : l'Etat demande à la filière de prendre le relais des aides sur le carburant

Les aides aux carburants des bateaux de pêche vont s'éteindre à la fin de l'année. Pour éviter d'enflammer les ports français, le secrétaire d'Etat à la mer a mobilisé la filière pour trouver des solutions. Face à la menace du retour d'une taxe poisson, la grande distribution prévient qu'elle ne veut pas payer pour tout le monde.

L'enveloppe d'aides de l'Etat pour le carburant des pêcheurs a atteint depuis mars plus de 35 millions d'euros.
L'enveloppe d'aides de l'Etat pour le carburant des pêcheurs a atteint depuis mars plus de 35 millions d'euros. (Fuller Gareth/PA Photos/ABACA)

Par Dominique Chapuis

Publié le 22 sept. 2022 à 13:00Mis à jour le 22 sept. 2022 à 17:29

L'Etat a demandé à la filière pêche de prendre le relais du dispositif d'aides aux pêcheurs, qui devrait s'éteindre à la fin de l'année. Fragilisé par la crise de l'énergie, le secteur se retrouve ce jeudi et vendredi à La Rochelle, lors des Assises de la pêche et des produits de la mer.

A l'occasion d'une réunion mi-septembre avec tous les acteurs du secteur, y compris la grande distribution, le secrétaire d'Etat chargé de la mer, Hervé Berville les a invités à proposer « un dispositif de soutien de long terme » à la filière. Des solutions concrètes doivent être formulées d'ici le 14 octobre. En clair, le gouvernement veut réduire le montant du soutien aux pêcheurs, alors que les finances publiques sont sous pression.

De 35 à 8 centimes

Les pêcheurs ont été aidés dès mars pour payer leur facture de carburant. Quelques semaines après le début de la guerre en Ukraine, le secteur avait tiré la sonnette d'alarme, alors qu'en un an, le prix du gasoil avait presque doublé. Or le carburant représente jusqu'à 45 % des charges d'un chalutier. Cette flambée avait alors incité des bateaux à rester à quai, menaçant quelque 13.000 emplois, des côtes bretonnes à la Vendée, aux Hauts-de-France ou à la Méditerranée. Un coup dur pour les armements, après le Covid, et les arrêts liés aux négociations du Brexit.

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La France est au 3e rang en Europe pour la pêche, avec une flotte de plus de 4.000 bateaux en métropole (3.000 dans les DOM), pour environ 1,3 milliard de chiffre d'affaires. De ces apports dépendent ensuite toute une chaîne, poissonneries, conserveries ou traiteurs, soit près de 50.000 emplois indirects. Pour garantir l'activité, le gouvernement Castex avait accordé aux pêcheurs une remise de 35 centimes par litre de gasoil. Au total, cette enveloppe a atteint aujourd'hui plus de 35 millions d'euros

Un soutien qui va disparaître. « Ce dispositif, qui devait prendre fin le 31 juillet, a été prolongé jusqu'au 30 septembre, indique-t-on au secrétariat d'Etat à la Mer. Il va passer à 25 centimes en octobre, puis à 8 centimes jusqu'à la fin de l'année. » Et après ? Le gouvernement veut à tout prix éviter une nouvelle crise dans les ports français. Du coup, il a appelé à la mobilisation : comités des pêches, entreprises et grande distribution.

Pour le secrétaire d'Etat, c'est à France Filière Pêche, une association réunissant toutes les parties, de jouer à plein son rôle. Elle avait été créée il y a une dizaine d'années, à la suite de la fin de la taxe poisson. Institué fin 2007 pour venir en aide aux pêcheurs déjà secoués par la flambée du pétrole, ce prélèvement de 2 % frappait la grande distribution et une centaine de grosses poissonneries. Il avait rapporté jusqu'à 70 millions dans les caisses de l'Etat.

Le retour de la taxe poissons

Après la fin de cette taxe en 2012, les grandes surfaces s'étaient engagées à verser une cotisation annuelle de 35 millions d'euros à France Filière Pêche sur des projets décidés en commun, comme rénover des bateaux, accompagner des projets de R&D ou faire la promotion d'une pêche durable. Mais son budget s'​est peu à peu réduit à 25, 18 puis 16 millions d'euros (avec les montants économisés) cette année.

Pour Hervé Berville, la grande distribution doit donc remettre au pot. « Les distributeurs n'ont pas vocation à suppléer l'Etat, estime un observateur. De plus, le rayon poissons frais est déficitaire depuis des années. Les consommateurs lui préfèrent le libre-service. C'est là où se font les volumes. » Sauf, que les prix ont flambé : à 28 euros ou 30 euros le kilo de poissons frais, les achats sont en chute libre. De janvier à fin août, les tarifs ont en effet grimpé de 17 % en moyenne, et de 7 % pour poissons et fruits de mer.

Parmi les pistes, une taxe poissons pourrait être relancée. « A condition que tout le monde paie, mareyeurs, industriels et pas seulement les distributeurs », estime l'expert. Des moyens utiles à l'ensemble du secteur. « On a tous besoin d'une filière solide de l'amont à l'aval, si on veut continuer à avoir une pêche française, s'alarme Bruno Margollé, à la tête de la Fédération des organisations de producteurs de la pêche artisanale. Aujourd'hui 80 % du poisson est importé. Derrière les 20 % restant, il y a toute une économie du littoral à défendre. » Faute de solutions concrètes, la colère pourrait se ranimer sur les côtes.

Dominique Chapuis

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