Léa Bazaline, 25 ans, jette un regard dans le rétroviseur de ses études et mesure le chemin parcouru. Native de La Réunion, fille d’une agente de transport et orpheline de père, elle a construit brique après brique son avenir. Après un bac scientifique et un BTS passés dans son département d’outre-mer, elle a suivi l’ensemble de ses études d’ingénieur en bâtiment, puis une année de mastère spécialisé, par la voie de l’apprentissage, en métropole. Quand on demande à la jeune ingénieure quelle voie elle aurait suivie sans ces contrats en alternance, elle lâche, après quelques secondes de silence : « Sans cela, j’aurais été bloquée financièrement. Je n’aurais pas eu de solution pour faire le même parcours. »
Fin 2021, le nombre d’apprentis en France s’élève à 892 100, soit 33 % de plus que fin 2020, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). En cinq ans, ces effectifs ont doublé. De plus en plus de masters, à l’université ou dans les grandes écoles, permettent de suivre des études en alternance, une modalité de financement très attractive : les alternants perçoivent une rémunération, tandis que leurs frais de scolarité sont pris en charge. Dans les grandes écoles, ce système est un vecteur d’ouverture sociale : alors que les écoles de commerce accueillent en 2021 seulement 12 % d’élèves boursiers, un baromètre, publié lundi 12 septembre par la Conférence des grandes écoles, montre qu’un quart des élèves apprentis dans ces établissements étaient boursiers avant leur entrée en apprentissage. Plus d’enfants d’employés, d’ouvriers accèdent à des cursus qui leur étaient fermés faute de financement.
Des effets d’aubaine
L’apprentissage a longtemps été, en France, une voie de professionnalisation de second rang. Il a aujourd’hui gagné ses galons, en particulier dans l’enseignement supérieur. Entre 2018 et 2021, 76 % des entrées en apprentissage sont portées par des formations de bac + 2 ou plus. Une transformation due à la réforme de la loi « avenir professionnel » promulguée en septembre 2018, qui a modifié le financement pour les établissements, en facilitant les démarches. La loi a notamment mis fin au contrôle des régions, qui imposaient un plafond en matière de formation. « Cette politique est le plus grand succès du précédent quinquennat », estime Vincent Cohas, directeur général du groupe Cesi, qui compte cette année 20 000 apprentis, contre 12 600 en 2018.
Un autre élément a contribué à l’accélération de l’apprentissage : les aides instaurées pendant la crise sanitaire pour les entreprises enrôlant un apprenti (8 000 euros pour les plus de 18 ans). Un flux d’argent vers les entreprises qui a suscité des « effets d’aubaine significatifs », épingle la Cour des comptes dans un rapport publié le 23 juin. Des aides ont été versées à des entreprises qui, même sans l’appui de l’Etat, auraient recruté des apprentis, tandis que d’autres ont pris des apprentis sans se soucier de les former.
Il vous reste 62.67% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.