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L’enquête

Transclasses : les 5 galères à surmonter au cours de ta carrière

ENQUÊTE// Quand on veut, on peut. L'adage a longtemps servi à pousser à se surpasser dans le monde du travail. Hélas la réalité est plus coriace. Les obstacles, souvent invisibles, qui se dressent sur le chemin sont nombreux. Et parfois, douloureux.

Lors d'une embauche, le candidat peut être sujet à une discrimination invisible, insidieuse, qui repose sur la maîtrise de certains codes sociaux, explique l'enseignant-chercheur Jean Pralong.
Lors d'une embauche, le candidat peut être sujet à une discrimination invisible, insidieuse, qui repose sur la maîtrise de certains codes sociaux, explique l'enseignant-chercheur Jean Pralong. (Getty Images)

Par Marion Simon-Rainaud, Samuel Chalom, Florent Vairet, Julia Lemarchand

Publié le 26 sept. 2022 à 07:00Mis à jour le 26 sept. 2022 à 09:14

Véritable serpent de mer de la vie politique, l'égalité des chances pourrait enfin remonter dans l'agenda. Elle est inscrite noir sur blanc sur la feuille de route du nouveau ministre de l'Education nationale. Lui-même symbole de la cause, Pap Ndiaye sait que les inégalités doivent s'affronter à la racine… au risque de voir les problèmes resurgir au quintuple au moment des études supérieures et de l'entrée sur le marché du travail.

Un de ses axes est la mixité sociale afin de casser les ghettos scolaires d'enfants de pauvres d'un côté, et de l'autre de CSP + qui développent compétences, réseau et codes sociaux qui leur faciliteront l'accession aux sphères de pouvoir, ou tout simplement aux métiers espérés.

Selon une étude du Cereq de mai 2022, 57 % des enfants de cadres (deux parents cadres) sortent diplômés du supérieur long contre 8 % des enfants d'ouvriers (deux parents ouvriers). Les chiffres sont pires dans les écoles les plus prestigieuses. C'est en partie pour cela qu'Emmanuel Macron a supprimé l'ENA pour la remplacer par l'Institut national du service public censé « sélectionner des profils moins déterminés socialement ».

 Mais pour les étudiants qui parviennent à défier les statistiques, l'affaire n'est pas réglée. Ils doivent redoubler d'efforts pour rattraper tout ce qu'ils n'ont pas acquis et, en prime, essuyer les remarques qui incombent aux « outsiders du système » et bénéficiaires des programmes d'égalité des chances. Car imposer des dispositifs volontaristes dans un pays où la méritocratie est quasi sacralisée, n'est pas une mince affaire. L'étiquette est parfois lourde à porter.

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1· Le réseau : connais pas

C'est sur son écran d'ordinateur, au détour d'une recherche fortuite, que Sofiane Hamoumraoui, aujourd'hui 29 ans, ingénieur salarié par Slack et néo-entrepreneur, a découvert les prépas et les grandes écoles. Ni ses parents d'origine algérienne, ni ses profs d'un lycée en zone d'éducation prioritaire à Clichy-La Garenne (92) n'étaient en mesure de bien l'orienter : les premiers ne connaissaient pas, les seconds l'en ont dissuadé. Il décide de postuler, malgré le scepticisme du corps enseignant et l'absence de témoignages pour se guider. Il se souvient alors avoir ressenti « un sentiment de responsabilité et une pression supplémentaire ».

L'opportunité se présente d'intégrer le programme d'égalité des chances Les Cordées de la Réussite. En plus de l'accès à un internat gratuit à Paris, à moins de 10 minutes à pied de sa prépa et la prise en charge de ses déjeuners et dîners, il rencontre des entrepreneurs, des salariés d'entreprises du CAC40, dont certains deviennent ses mentors. C'est dans le cadre de ce programme que le préparationnaire de 19 ans visite les bureaux de Lagardère. « Une expérience inédite et mémorable » pour ce jeune homme qui n'a jamais mis les pieds dans une entreprise et ne savait alors pas ce que c'était un cadre.

Trouver un stage, mission délicate

Pour valider sa première année d'école de commerce à Montpellier Business School, Sofiane Hamoumraoui doit trouver un stage . Mission délicate. « A l'époque, voyant mon désarroi, mon père me propose de l'aide. Il travaillait depuis quelques années dans la restauration collective d'entreprise. Un midi, il me raconte avoir passé mon CV à 'une dame qui avait l'air importante'. Quelques jours après, cette 'directrice', surprise d'apprendre que le fils aîné du cuisinier avait fait une prépa et une école de commerce, décide de m'appeler puis de me donner ma chance. »

Un coup de pouce bien senti, et sa carrière d'ingénieur est lancée. Pour beaucoup de Français, le mot réseau n'a pas de signification, estime Karim Bouhassoun, responsable des affaires publiques chez ZUPdeCO, spécialisé dans le soutien scolaire. « On n'utilise ce terme que dans certains milieux. Il est plus naturel de l'utiliser quand on en a déjà un ! »

Susciter un déclic

Pour rendre la pareille, Sofiane Hamoumraoui, vient de lancer en parallèle de son job d'ingénieur, sa propre entreprise baptisée Tademy. Une société qui promeut la diversité et l'égalité en rendant possible l'accès à la tech à toutes les personnes motivées, indépendamment de leurs écoles, origines ou qualifications par un coaching spécialisé.

Dans ce cadre-là, il accueille de nombreux jeunes en stage de 3e dont l'expérience peut être déterminante. « Je pense vraiment qu'on sous-estime l'impact que cela peut avoir, pour une personne éloignée du monde de l'entreprise, de visiter des locaux et d'échanger avec des professionnels pour en apprendre plus sur leur métier. Plus tôt nous pourrons susciter un déclic, mieux ce sera pour son orientation et ses choix professionnels », estime-t-il.

· « Désolé, votre candidature n'a pas été retenue »

150 milliards d'euros par an. C'est le « coût économique des discriminations » estimé par France Stratégie dans son dernier rapport publié sur le sujet en septembre 2016. Soit 7 % de notre richesse nationale et 3.000 fois plus que le budget en 2022 du ministère de l'Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Egalité des chances (50 millions d'euros, +22 % en un an).

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 Henri-IV m'a appris à porter un masque, à adapter les sujets de conversation en fonction de la personne en face de moi.

Meddy, Ingénieur

Ce coût économique a aussi un coût humain pour les enfants d'immigrés par exemple, qui ont trois fois moins de chances - à diplôme égal - de trouver un emploi, selon une minutieuse étude intitulée « Trajectoires et origines » parue en 2015, menée par une équipe de chercheurs de l'Ined et de l'Insee. Depuis, aucune étude n'a contredit ce constat. Les résultats d'un testing de grande ampleur mené en 2021 par la Dares montrent qu'à qualité comparable, les candidatures dont l'identité suggère une origine maghrébine ont 31,5 % de chances de moins d'être contactées par les recruteurs que celles portant un prénom et nom d'origine française.

« Des fils et filles d'Algériens, de Tunisiens, de Turcs, de Sénégalais, etc., ont réussi leurs parcours primaire, secondaire, ont fait des études supérieures. Ils ont cru à la valeur du mérite. Mais le mal est là : même s'ils obtiennent des diplômes, les enfants d'immigrés subissent plus le chômage que la population majoritaire », regrette Karim Bouhassoun, auteur de « Que veut la banlieue ? » Manifeste pour en finir avec une injustice française (2017, Ed. L'harmattan).

Le recrutement, un univers de CSP +

Pour Jean Pralong, enseignant-chercheur en gestion des ressources humaines à l'EM Normandie, il est important de rappeler qu'il existe deux types de discriminations à l'embauche . Les critères visibles (appartenance éthique, genre, dans une certaine mesure LGBTQI +, glottophobie vis-à-vis des accents, grossophobie, etc.) et les filtres invisibles - plus insidieux - relatifs à la maîtrise de certains codes sociaux.

8 %

C'est le pourcentage d'enfants de parents ouvriers qui sortent diplômés du supérieur. Dans les familles de cadres, la proportion s'élève à 57 %, selon une étude du Cereq de mai 2022.

« Le recrutement n'est pas un processus démocratique, où chacun peut faire entre sa voix. C'est un univers qui se réfère aux codes sociaux de CSP + », rappelle le chercheur. Les transfuges de classe en payent le prix fort en entretien. Un jeune homme issu d'un milieu aisé diplômé d'une école d'ingénieur sera bien plus à l'aise quand il rencontre un recruteur dans le 8e arrondissement de Paris que son camarade de promotion issu d'un milieu plus modeste qui devra redoubler d'efforts pour convaincre qu'il est le candidat idéal pour le poste.

Jean Pralong plaide pour une formation des recruteurs et des managers afin d'évaluer les compétences et non le reste. Le candidat prêt à l'emploi n'existe pas, avec ou sans facteur discriminant. « Il y a forcément une phase d'acculturation et d'onboarding à coconstruire avec toute nouvelle recrue dans la boîte, qu'elle soit transclasse ou non. Les entreprises ont perdu de vue que la socialisation au monde, c'est aussi leur job », défend le chercheur.

Former les RH et les managers, mais aussi les collaborateurs pour éviter les remarques nauséabondes entendues dans les couloirs que les transclasses interviewées nous ont rapportés. Florilège : « Ah tiens, la maison veut se diversifier » / « T'étais parti au djihad ? » / « J'ai mangé un couscous hier soir, j'ai pensé à toi » / « Mademoiselle, il va falloir faire quelque chose pour cet accent… » / « Au fait, tu viens d'où ? »…

3· « Lost in translation »

A la machine à café, Meddy constate souvent qu'il n'a « pas les mêmes références » que ses collègues. Cet ingénieur d'une grande entreprise du secteur de l'énergie a l'habitude. Lui qui a grandi dans une ville multiculturelle de banlieue parisienne a déjà ressenti ce « gap » culturel au sein du très prestigieux lycée Henri-IV puis en école d'ingénieurs à Grenoble. « Henri-IV m'a appris à porter un masque, à adapter les sujets de conversation en fonction de la personne en face de moi », témoigne-t-il. A adopter les « codes culturels bourgeois », dirait le sociologue du déterminisme social Pierre Bourdieu.

Pour cela, les études sont un sas utile voire indispensable, mais non suffisant. Il faut apprendre (les codes), toujours et encore… Le diplôme, un sésame ? Raté, c'est seulement la première haie d'une course d'obstacles.

Dans son étude intitulée « La création de start-up, une affaire de dispositions », la sociologue Marion Flécher interroge Chris, 25 ans, diplômé d'une école de commerce et originaire de banlieue parisienne, qui évoque l'expérience parfois douloureuse des afterworks entrepreneuriaux. « Ce ne sont pas des endroits où l'on a l'habitude d'aller lorsque l'on est banlieusard », explique-t-il. Ce fils d'un chauffeur de taxi et d'une mère aide-soignante, originaire du Cameroun, se souvient en particulier d'une soirée pendant laquelle personne ne lui a adressé la parole et, lui, est resté seul un moment dans son coin… avant de se sauver.

Le syndrome de l'imposteur a bon dos

Occuper l'espace et faire entendre sa voix dans l'entreprise est une gageure pour les transclasses. Mais, pour les professeurs Sean Martin de l'Université de Virginie et Spencer Harrison de l'Insead, ce serait moins un problème de confiance en soi qu'un phénomène d'invisibilisation, obstacle déjà bien identifié dans la carrière des femmes. Dans une récente étude, ces deux chercheurs ont démontré que les collaborateurs issus de classe populaire sont moins susceptibles d'être invités par leur hiérarchie à apporter leur contribution, alors qu'ils sont tout aussi à même de s'exprimer que leurs collègues issus de milieux plus favorisés.

Serav, fille de parents immigrés kurdes installés en Seine-Saint-Denis, diplômée de Sciences Po, travaille dans le secteur culturel : elle est convaincue que son parcours lui a donné des compétences clé pour sa carrière, comme la résilience ou l'intuition.

Et si on en avait trop fait autour du syndrôme de l'imposteur ? La psychologue Pauline Clance à l'origine, avec Suzanne Imes, de ce concept, à la suite d'une recherche publiée en 1978, lui préfère aujourd'hui celui « d'expérience » de l'imposteur. On a tendance à pathologiser quelque chose finalement de très humain. Et surtout, il y a des bénéfices à en tirer. Au travail, ce sentiment peut servir de moteur personnel et permet souvent de développer des soft skills (empathie, collaboration…), a récemment montré Basima Tewfik du MIT Sloan School of Management.

Serav, fille de parents immigrés kurdes installés en Seine-Saint-Denis, ne dira pas le contraire. Cette diplômée de Sciences Po travaille dans le secteur culturel et est convaincue que son parcours lui a donné des compétences clé pour sa carrière comme la « résilience » ou « l'intuition », très appréciées de ses employeurs. « Alors que j'avais eu un choc lors de mon arrivée à Sciences Po, mes premiers pas dans le monde professionnel se sont en fait très bien passés ! », constate-t-elle a posteriori.

4· Coincés entre deux mondes

Lorsqu'il passe du temps avec sa famille, Meddy, l'ingénieur dans l'énergie, est parfois pris d'un doute : « Est-ce que, finalement, je ne pourrais pas être aussi heureux et épanoui en n'ayant pas fait de longues études d'ingénieur, en occupant un poste moins valorisé socialement, en étant resté dans mon milieu d'origine ? ».

Des interrogations qui étonnent Yazid Chir, cofondateur et président de l'association NQT, qui accompagne les jeunes diplômés de quartiers prioritaires ou de milieux défavorisés dans leur insertion professionnelle. « Ce discours peut exister, mais plutôt venant de jeunes qui occupent un emploi en dessous de leur niveau de qualification », indique-t-il. Selon lui, ceux qui bénéficient d'un emploi qui correspond à leur diplôme expriment plutôt la satisfaction de « ne pas avoir abandonné ».

Pour d'autres, il peut y avoir une certaine frustration de ne pas réussir à « sauver leur famille », dans le sens où le transfuge de classe s'est élevé socialement, mais pas ses parents ou ses frères et soeurs. C'est ce qu'explique la psychothérapeute Nicole Prieur, autrice des « Trahisons nécessaires » (Robert Laffont) et qui a suivi des patients confrontés à ces problématiques. « Ils peuvent avoir la tentation d'apporter un soutien financier à leur famille, que ce soit en versant de l'argent ou en donnant des cadeaux, ce qui a parfois pour conséquence que la famille se sent piégée dans un statut d'assisté vis-à-vis du transfuge », fait-elle remarquer. 

De la fierté à être fils d'ouvrier

Pierre (son prénom a été modifié), lui, est l'aîné d'une famille d'ouvriers. Consultant en stratégie, il a ouvert la voie à ses frères et soeurs, qui ont tous suivi de brillantes études, et avec qui il se charrie régulièrement pour savoir « qui s'est le plus embourgeoisé ». Natif de Saint-Etienne, il n'a d'abord pas compris pourquoi il gagnait déjà plus que ses parents en sortant d'école de commerce, alors qu'il « passait ses journées sur un laptop » , tandis qu'eux occupent un emploi qu'il juge « plus utile pour la société ».

Mais un plus grand questionnement est ailleurs. Même s'il pose un regard positif sur son parcours, il ne se dit pas fier d'être devenu « un bourgeois », alors qu'il éprouvait auparavant « de la fierté à être fils d'ouvrier ». Et s'interroge sur la culture qu'il transmettra à ses enfants. « Est-ce que je veux vraiment élever mes enfants comme des bourgeois ? », se demande-t-il.

Dans leur vie professionnelle, les jeunes transclasses se montrent aussi souvent rétifs à mettre en avant la richesse de leur double culture. Ceux qui, grâce à leurs parents, ont appris à parler une autre langue dès l'enfance - comme l'arabe, le portugais, ou encore le wolof -, n'osent pas forcément le mettre en avant sur leur CV ou le mentionner lors d'un entretien, « alors qu'ils ont tout à y gagner », estime le cofondateur de NQT. Pour lui, la facilité de ces jeunes à évoluer dans un environnement multiculturel est un énorme atout, notamment s'ils travaillent dans des entreprises ayant des bureaux à l'étranger.

5· Se libérer de l'étiquette « égalité des chances »

C'était la première fois qu'une grande école de commerce touchait aux épreuves du concours. A la session 2022, l'Essec a décidé de repêcher les 35 candidats boursiers, initialement recalés aux écrits mais dont la moyenne était la plus proche de la barre d'admissibilité. Objectif : insuffler plus de diversité sociale parmi les candidats admissibles. Et ça semble fonctionner : parmi eux, 24 ont intégré la grande école en cette rentrée. « Quand on compare les ratios, on voit qu'en réalité, les étudiants boursiers sont plus performants à l'oral que le reste des candidats. Il y a un effet de motivation », analyse Emmanuelle Le Nagard, directrice du programme Grande Ecole qui se félicite d'avoir ainsi augmenté le taux d'étudiants boursiers de 13 à 15 %.

 Le sujet est sensible et des étudiants pourraient pointer une iniquité. En réalité, on ne fait justement que redresser l'iniquité qu'ils ont subie durant leur parcours

Emmanuelle Le Nagard, directrice du programme Grande Ecole de l'Essec

Le dispositif a fait des remous parmi les tenants d'une méritocratie stricte, cependant il sera bel et bien reconduit. Une règle restera intangible : l'anonymisation des 35 candidats. Les jurys ne sont pas au courant au moment de l'oral, et surtout le reste de la promotion non plus. Car l'école a une crainte : la stigmatisation. « Le sujet est sensible et des étudiants pourraient pointer une iniquité. En réalité, on ne fait justement que redresser l'iniquité qu'ils ont subie durant leur parcours », défend Emmanuelle Le Nagard.

Comment vivraient ces étudiants s'ils étaient subitement « OUT » ? D'autres en ont fait l'expérience. A Sciences Po Paris, certains étudiants issus des Conventions d'éducation prioritaire (CEP) étaient visibles, se rappelle Nesrine Slaoui, ancienne étudiante. Certains le dévoilaient, d'autres étaient identifiés car « ils restaient souvent entre eux, et parfois avaient des cours de remise à niveau ». L'étudiante se rappelle du sentiment de suspicion de favoritisme qui planait au-dessus de leur tête.

« T'as pris la place de ma soeur »

Pourtant ce sentiment, elle avait tout fait pour ne pas le ressentir, et ce, jusqu'aux vêtements. « J'avais acheté à la rentrée une chemise Ralph Lauren pour me fondre dans le paysage », ce qui ne l'empêche pas de se faire renvoyer à ses origines : « T'as pris la place de ma soeur », lui lance un camarade de promo. Un autre lui dit qu'elle a été prise car c'est « une rebeu, femme et jolie et c'est ce dont la société a actuellement besoin. » Le comble est qu'elle n'est même pas passée par les lycées CEP. Le fait qu'elle soit issue d'une minorité visible l'oblige à vivre par procuration le procès en illégitimité des étudiants CEP, à ses dépens. Elle a d'ailleurs choisi d'en faire un livre : « illégitime ».

Pour les premiers étudiants de ces programmes d'égalité des chances, les stigmates ont été lourds à porter. « Ils ont essuyé les plâtres et ont été jetés dans un bain à l'eau très monochrome où on ne les faisait pas forcément sentir à leur place », analyse Anthony Babkine, cofondateur de Diversidays , association qui lutte pour l'inclusion dans la tech. Mais depuis que le sujet de l'égalité des chances se démocratise et que le mythe de la méritocratie est de plus en plus questionné, leurs origines sont de moins en moins mises sous le tapis. On les incite d'ailleurs à sortir du bois et d'assumer la force de leurs différences.

Sans doute sont-ils aidés à endosser cette casquette par les très bons chiffres d'insertion professionnelle. « Ils ont tous à des très bons postes au sortir de ces écoles », ajoute Anthony Babkine. Selon Sciences Po Paris, 80,4 % des étudiants (promotion 2020) issus des CEP ont trouvé leur premier emploi dans les six mois suivants le diplôme, soit 0,1 point de plus que pour l'ensemble de la promo.

Marion Simon-Rainaud, Samuel Chalom, Florent Vairet et Julia Lemarchand

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