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Oui, avec un bac pro ou techno, on peut faire de beaux parcours !

Souvent dévalorisés, les baccalauréats non généraux ne ferment pourtant pas les portes de l'enseignement supérieur. Certains bacheliers pro et techno se construisent même de beaux parcours académiques puis professionnels.

En 2022, 186.000 jeunes ont passé un bac professionnel. Parmi eux, certains ont choisi de poursuivre leurs études en BTS/STS (34 %) ou en licence à l'université (7 %),
En 2022, 186.000 jeunes ont passé un bac professionnel. Parmi eux, certains ont choisi de poursuivre leurs études en BTS/STS (34 %) ou en licence à l'université (7 %), (Patrick ALLARD/REA)

Par Laura Makary

Publié le 21 sept. 2022 à 07:00Mis à jour le 23 sept. 2022 à 12:02

En classe de seconde, Chloé Martin se rappelle d'avoir perdu pied, surtout dans les matières scientifiques, où elle peine à dépasser la moyenne. Ses enseignants lui font comprendre qu'un bac technologique serait plus approprié. La lycéenne doute et s'inquiète, d'autant qu'il lui faut changer de lycée pour entrer en STMG (sciences et technologies du management et de la gestion). « Autour de moi, on me disait que c'était la voie de ceux qui ne veulent pas travailler, on me demandait ce que je pourrais faire plus tard avec ce bac… », se souvient-elle.

 Heureusement, son nouvel établissement est rassurant et Chloé y trouve son compte : « J'avais besoin de choses plus concrètes, moins théoriques, avec des matières pratiques comme l'économie, le droit… Cela m'a tout de suite beaucoup plus intéressée ». Résultat, la bachelière réussit le concours Sésame, ouvert à tous les bacs, et décroche l'EM Normandie, classée 3e du classement du « Parisien » des écoles post-bac délivrant un grade de master. Les bacheliers STMG sont peu nombreux à tenter ce concours : à peine 3 % des quelque 11.000 candidats. En revanche, ceux qui osent réussissent en moyenne mieux que les autres, puisque ces bacheliers représentent plus de 6 % des intégrés !

« Un bac au rabais »

 Une intégration qui ne se fait cependant pas sous les meilleurs auspices : « J'étais souvent la seule à ne pas avoir fait un bac général, certains disaient que j'avais un bac au rabais. Je le prenais à la rigolade… », se rappelle Chloé. Les remarques cessent lorsque l'étudiante récolte de très bonnes notes dans des matières comme la gestion financière qu'elle avait étudiée au lycée. Et puis, au fil des années, la question de qui a fait quel bac ne se pose plus, Chloé s'intègre pleinement dans sa promo. Elle achève actuellement son stage de fin d'études dans un média spécialisé dans la voile en tant qu'assistante contenu et marketing digital, dans lequel elle nous confie beaucoup se plaire. Et, sur son LinkedIn, elle affiche son master aussi fièrement que son bac pro.

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80 %

des bacheliers Qui ont passé un bac technologique ont ensuite poursuivi leurs études dans l'enseignement supérieur.

Ce type de parcours est encore relativement rare, mais loin d'être unique. En 2022, 20 % des bacheliers ont suivi une filière technologique et 80 % ont décidé de poursuivre ensuite leurs études : 18 % à l'université, 12 % en BUT (Bachelor universitaire de technologie en trois ans, qui remplace le DUT depuis 2021), 2 % en CPGE (classe préparatoire aux grandes écoles), et un bon tiers se tourne, de façon logique, vers un BTS. Et si c'est dans ce dernier qu'ils réussissent le mieux, il est possible de pousser jusqu'au niveau master, à travers des passerelles, des concours, et beaucoup de volonté.

Dans une grande école

Après un collège compliqué, Florent, lui, a choisi un bac STI2D (sciences et technologies de l'industrie et du développement durable), et est passé par un IUT avant de rejoindre une grande école. « En échangeant avec mes professeurs de lycée, je me suis intéressé à une filière courte en génie thermique et énergie. Les cours étaient très intéressants et je m'y suis plu. J'ai eu ensuite la chance d'intégrer une école d'ingénieurs via le dispositif 'parcours de l'excellence', qui permet aux meilleurs élèves de chaque promotion d'être directement admissibles », explique le jeune homme. Et pas n'importe laquelle : l'ESTP, très réputée dans le domaine de la construction et du BTP.

Florent a choisi la formule de l'alternance : un pari gagnant. Diplômé en 2020, le jeune ingénieur a trouvé dans la foulée un poste dans un bureau d'études en performance énergétique des bâtiments. Exactement ce qu'il voulait faire : « C'est une fierté pour moi d'être arrivé au même niveau que quelqu'un qui a fait un cursus classique avec prépa… Le travail finit toujours par payer, j'en suis la preuve ».

C'est une fierté pour moi d'être arrivé au même niveau que quelqu'un qui a fait un cursus classique avec prépa… Le travail finit toujours par payer, j'en suis la preuve.

Florent Ingénieur

Les alternants en école sont moins souvent issus d'une classe préparatoire que les autres étudiants, et un quart d'entre eux étaient boursiers avant leur entrée en apprentissage, indique la Conférence des grandes écoles dans une étude publiée le 12 septembre. L'alternance, qui a bondi de 43 % en deux ans, est un vecteur de diversité pour ces établissements.

Des difficultés de parcours

Il ne faudrait cependant nier les difficultés particulières que rencontrent les jeunes issus des filières technologiques et surtout professionnelles, souvent moins favorisés socialement. Les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 31 % des élèves en bac général, contre 15 % en techno et 8 % en pro. Les proportions s'inversent pour les enfants d'ouvriers : 9 % en général, 14 % en techno, 25 % en pro… En fait, ces derniers ne bénéficient pas, ou très peu, du soutien du réseau personnel de leurs proches, ce qui les pénalise dans leur recherche de stage. L'aide apportée par l'école est alors d'autant plus précieuse.

Dans les écoles d'ingénieurs, ces profils sont les bienvenus, acquiesce Claude Maranges, président de la commission d'admission du groupe INSA : « Ils s'intègrent comme les autres dans nos écoles, avec une forte appétence pour les sujets techniques et pratiques. À la fin de l'école, il n'y a plus aucune différence, que ce soit pour l'accès au premier emploi ou le niveau de salaire d'embauche, les industriels recrutent des ingénieurs et ne posent même pas la question ! »

À la fin de l'école, il n'y a plus aucune différence avec les autres profils, que ce soit sur le premier emploi ou le salaire d'embauche.

Claude Maranges Président de la commission d'admission du groupe INSA

 Il n'empêche qu'il y a pour ces jeunes parfois un sentiment d'illégitimité. Souvent en lien avec l'image d'une filière déconsidérée. Barbara l'a vécu : « Quand on m'a parlé de STMG, je le voyais moi-même comme une grosse honte ! Alors que finalement, j'étais bien plus attirée par les matières pratiques de la filière technologique. Et stratégiquement, mieux vaut avoir un très bon dossier en STMG qu'un dossier moyen en bac général ». Elle relativise maintenant qu'elle voit ses amis en filière générale qui se retrouvent perdus après le lycée.

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Après avoir obtenu un diplôme de comptabilité et de gestion (DCG) en 2016, Barbara ne se voit pas expert-comptable et décide d'intégrer l'IESEG. Depuis trois ans, elle travaille comme sales manager pour une société de vente d'équipements agricoles. « J'ai créé et développé le pôle 'sales' de la boîte. Et je réfléchis maintenant à un projet de création d'entreprise, pour lancer des écolodges dans la forêt amazonienne, en partenariat avec les communautés indigènes sur place », détaille-t-elle. Plein de projets, et surtout plus aucune honte quant à son parcours : « Ma stratégie a marché ! ».

Passer le cap du supérieur

Les bacheliers techno ne sont pas les seuls à tenter les études supérieures. En 2022, 186.000 jeunes ont passé un bac professionnel. Selon le ministère de l'Enseignement supérieur, parmi eux, un bon tiers a cessé ses études, 13 % ont choisi un cursus « non supérieur ». La moitié restante se répartit entre les filières BTS/STS (34 %), une licence à l'université (7 %), puis, avec en plus petit nombre, entre les prépas, le paramédical, et d'autres écoles privées…

Pour ces profils, passer le cap du supérieur, et y réussir, est ardu. A peine la moitié des bacheliers professionnels obtiennent leur BTS en deux ans. Sans oublier que l'orientation au départ n'est pas toujours pertinente. Au lycée, Sami trouve les cours trop généralistes et choisit un bac pro microtechnique : « J'avais envie de travailler dans l'informatique et je me suis rendu compte au cours des stages que j'avais fait une erreur. Mon bac pro était trop tourné vers l'usinage. Au bout de trois ans, je savais que je ne voulais pas du tout rester dans ce domaine. »

Direction l'université de Caen après son bac pour une licence d'informatique. Ses profs de lycée s'étonnent de ce choix. Sami se relève les manches et se donne à fond. Le plus dur : les maths. Il lui faut redoubler sa première année de licence pour se remettre à niveau. « J'ai fini 4e de ma promo en master ! » lance-t-il, ravi, et désormais diplômé en informatique et intelligence artificielle. Spécialisé dans la blockchain, Sami a travaillé en tant que développeur R&D avant de créer sa start-up avec un ami, EtherScore, dans l'univers des crypto-monnaies. « Je suis fier de mon parcours, j'étais très motivé, car j'ai eu dans mes premiers stages un aperçu des métiers qui m'attendaient avec un bac pro. Je savais ce dont je n'avais pas envie, et ça m'a vraiment boosté. »

Des prépas aux grandes écolespour les bacs pro

Il existe des classes préparatoires spécifiques aux bacheliers technologiques qui conduisent vers un grand nombre de grandes écoles, y compris les plus prestigieuses.

· Pour les écoles de commerce

L'ECT est exclusivement réservée aux étudiants titulaires d'un bac STMG.

· Pour les écoles d'ingénieurs

TSI (technologie et sciences industrielles) s'adresse aux bacheliers STI2D et STL.

Laura Makary

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