Le télétravail peut déconcentrer la répartition des richesses

Magali Talandier

Professeure en urbanisme et aménagement du territoire à l’université de Grenoble

Il est d’abord important de rappeler que le télétravail concerne ceux dont l’activité peut être “délocalisée”, c’est-à-dire 30 % des actifs. De cette première inégalité, de nature sociale, peuvent découler des inégalités territoriales.

À Paris, notamment, près d’un emploi sur deux est compatible avec une modalité de télétravail ! Les zones d’emplois comme Aix-en-Provence, Lyon, Lille et Toulouse affichent des taux proches de 40 % tandis qu’à Grenoble, Strasbourg, Nantes ou Marseille, un tiers des postes sont concernés. Du coup les espaces ruraux, mais également les petites villes et les villes moyennes situées à proximité de ces agglomérations pourraient connaître une arrivée massive de nouveaux habitants, télétravailleurs à domicile, ou recherchant des tiers-lieux adaptés. À l’opposé, dans les zones d’emplois rurales ou de plus petite taille, les taux de télétravail potentiel atteignent rarement 20 %, et même moins de 15 % à Mauriac ou à Saint-Flour, par exemple, dans le Cantal.

Ces territoires très ruraux peuvent accueillir une fraction d’actifs en capacité de pratiquer très largement le télétravail, sans se déplacer fréquemment vers un centre urbain. Cette population est minoritaire mais elle existe et peut déconcentrer la répartition de la richesse auparavant centrée sur l’Île-de-France et les grandes métropoles.

L’arrivée de ces nouveaux habitants peut créer des tensions, liées notamment aux différences de pouvoir d’achat. Mais il reste que le télétravail vient renforcer des tendances existantes – le phénomène de néo-ruraux par exemple – et ouvre à d’autres le champ des possibles.

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Des territoires ruraux redeviennent attractifs

Sébastien Gouttebel

Vice-président de l’Association des maires ruraux de France, maire de Murol (Puy-de-Dôme)

La mise en place massive et immédiate du télétravail sous l’effet des confinements a entraîné des déplacements géographiques pour de nombreux Français. Certes, les personnes concernées par le télétravail sont en grande majorité des cadres, des professions intellectuelles et indépendantes qui peuvent organiser leur vie professionnelle et personnelle autrement. Mais je note aussi la forte hausse du nombre de démissions avec les changements de vie que cela implique – je pense à ceux qui choisissent des métiers manuels…

Tous ces phénomènes ont conduit des territoires ruraux à devenir attractifs. Nous y avons constaté une reprise du marché immobilier, des ouvertures de tiers-lieux pour travailler à distance…

Alors non, le télétravail ne va pas accroître les inégalités territoriales, il va au contraire fixer de nouvelles populations dans des lieux jusqu’ici délaissés. À travers leur relationnel et leur pouvoir d’achat notamment, elles apportent une vraie plus-value au service des territoires.

Le télétravail a contribué à créer des interactions entre des personnes d’origines diverses sur un lieu donné. Mais le télétravail n’est pas une solution miracle. Il faut bien sûr une bonne connexion numérique – les départements qui ont anticipé, tel le Cantal, sont gagnants aujourd’hui. Cela passe aussi par un accès aux services essentiels : la santé, l’école et la possibilité de faire des courses dans un rayon de trente minutes. C’est là que les territoires se livrent une concurrence féroce.