La communauté éducative doit faire usage des prénoms choisis par les élèves transgenres

Un arrêt du Conseil d'État valide une circulaire du ministère de l'Education nationale visant à affirmer le droit des élèves transgenres à utiliser un prénom d'usage en rapport avec leur "identité de genre" dans le cadre du fonctionnement interne d'un établissement scolaire. 

Comment la "communauté éducative" est-elle tenue de réagir face à un jeune qui souhaite adopter un prénom d'usage en rapport avec son "identité de genre" ressentie ? Le ministère de l'Éducation nationale avait apporté une réponse dans une circulaire du 29 septembre 2021 intitulée "Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l'identité de genre en milieu scolaire". Dans un arrêt du 28 septembre, le Conseil d'État a validé la portée de ce texte tout en précisant ses limites.

La circulaire contre laquelle avait été formé un recours pour excès de pouvoir adressait des recommandations à l'ensemble des personnels de l'Éducation nationale afin de mieux prendre en compte la situation des élèves transgenres en milieu scolaire. "Il s'agit alors de veiller à ce que le prénom choisi soit utilisé par l'ensemble des membres de la communauté éducative", peut-on y lire. Par ailleurs, le texte précise que "pour accompagner ce changement, l'établissement scolaire substitue le prénom d'usage, de manière cohérente et simultanée, dans tous les documents qui relèvent de l'organisation interne (listes d'appel, carte de cantine, carte de bibliothèque, etc.) ainsi que dans les espaces numériques (ENT, etc.)". Enfin, le texte invitait les établissements à tenir compte du fait que "les élèves concernés peuvent également exprimer des préoccupations liées à l'usage des espaces d'intimité (toilettes, vestiaires, dortoirs) lorsqu'il n'y a pas de lieux appropriés (par exemple des toilettes mixtes)".

Vie interne de l'établissement

L'auteur du recours faisait valoir que selon l'article Ier de la loi du 6 fructidor an II, "aucun citoyen ne pourra porter de nom ni prénom, autres que ceux exprimés dans son acte de naissance", et que selon l'article 4 de la même loi, il "est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l'acte de naissance […] ni d'en exprimer d'autres dans les expéditions et extraits qu'ils délivreront à l'avenir".

Pour rejeter la requête et valider la légalité de la circulaire, le Conseil d'État va considérer que la loi du 6 fructidor an II n'a pas été méconnue dans la mesure où la circulaire ne recommande aux personnels de l'Éducation nationale de faire usage du prénom choisi par les élèves transgenres plutôt que du prénom inscrit à l'état civil uniquement dans le cadre de la vie interne des établissements et pour les documents qui en relèvent, tout en précisant que seul le prénom inscrit à l'état civil doit être pris en compte pour le suivi de la notation des élèves dans le cadre du contrôle continu pour les épreuves des diplômes nationaux.

Cette décision a une double portée pour les collectivités territoriales. D'une part, en tant que partie prenante de la communauté éducative, leurs personnels devront utiliser le prénom choisi par l'élève dans tous les documents relevant de l'organisation interne de l'établissement (cantine, etc.). D'autre part, elles devront tenir compte des préoccupations exprimées par les élèves sur l'usage des espaces d'intimité dont elles ont la charge.

Référence : Conseil d'État, 4e-1re chambres réunies, 28 septembre 2022, n°458403.