C’est un sprint matinal auquel ont dû se livrer plus de 5 000 étudiants de licence de lettres et sciences humaines de l’université Aix-Marseille. L’enjeu : obtenir une place dans un cours de travaux dirigés (TD) d’anglais. Le top départ des inscriptions a été donné au petit matin du 6 septembre sur la plate-forme numérique de l’établissement. « En quelques minutes, les 2 400 places ont été prises d’assaut », constate Sara Watson, maîtresse de conférences au sein de la faculté. Les moins rapides ou les moins matinaux sont invités à opter pour une autre langue. L’obtention d’une licence est conditionnée à la validation d’une unité d’enseignement en langue vivante, peu importe laquelle. Alors la faculté pousse les étudiants là où il y a de la place, assumant le non-sens pédagogique de cette obligation.
Faute de professeurs en nombre suffisant ou parfois en raison de l’absence de salles disponibles, de nombreuses universités françaises sont à la peine pour proposer une offre d’enseignement en anglais. Une situation critique, qui symbolise les difficultés matérielles et logistiques des universités.
Cette « pénurie » découle, en premier lieu, de la hausse des effectifs étudiants depuis 2015, mesure Nicolas Boileau, maître de conférences à l’université Aix-Marseille. La hausse s’est accélérée en 2020, première année de la crise sanitaire liée au Covid-19, lors de laquelle le taux de réussite au bac a atteint 95 %, soit un bond de près de 7 points par rapport à l’année précédente. « Du fait de coupes budgétaires, des postes sont gelés, les enseignants qui font valoir leurs droits à la retraite ne sont pas remplacés, le vivier de chargés de cours s’appauvrit, alors que le nombre d’heures augmente », poursuit Nicolas Boileau.
« Pas de devoirs, aucun échange oral »
Une évidence s’impose : pour répondre à la demande, il faut plus de professeurs d’anglais. Mais la pénurie d’enseignants se ressent partout. « Nous avons beaucoup de difficultés à recruter », reconnaît Guillaume Gellé, président de l’université Reims-Champagne-Ardenne et
vice-président de France Universités, qui rassemble les dirigeants exécutifs des établissements d’enseignement supérieur. A Aix-Marseille, des postes étaient à pourvoir, « mais [ils ont] dû renoncer à créer de nouveaux groupes en anglais faute d’enseignants », poursuit Sara Watson. « Nous avons de moins en moins de professeurs titulaires et des difficultés à trouver des vacataires pour les remplacer », regrette également Emilie Janton, professeure agrégée à l’université d’Orléans.
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