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Salariés aidants : les entreprises passent à l'action

Aujourd'hui, en France, près de 4 millions d'actifs accompagnent un ou plusieurs de leurs proches dépendants. Un enjeu de taille pour les entreprises qui sont de plus en plus nombreuses à développer des solutions pour leur faciliter la vie.

D'après une enquête Harris Interactive pour l'Observatoire Cetelem, 39 % des aidants actifs occupés estiment que les entreprises devraient en priorité autoriser des horaires de travail plus flexibles, voire, pour 37 % d'entre eux, une diminution du temps de travail sans perte de salaire.
D'après une enquête Harris Interactive pour l'Observatoire Cetelem, 39 % des aidants actifs occupés estiment que les entreprises devraient en priorité autoriser des horaires de travail plus flexibles, voire, pour 37 % d'entre eux, une diminution du temps de travail sans perte de salaire. (nullplus/Shutterstock)

Par Mathilde Riaud

Publié le 6 oct. 2022 à 08:30Mis à jour le 6 oct. 2022 à 16:41

Karine Favarel a deux vies. Dans l'une, elle travaille comme technicienne retraite à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) à Tours. Dans l'autre, elle s'occupe de son fils, Tom, 7 ans, atteint du syndrome de l'X fragile, une maladie génétique qui entraîne des retards de développement. « Tom a besoin qu'on l'aide pour s'habiller, effectuer les soins d'hygiène… », confie cette maman âgée de 49 ans. Un job quasiment à temps plein.

Pourtant, elle et son mari tiennent à garder leur activité professionnelle. Pour des raisons financières, bien sûr. Mais pas seulement. « Nous avons tous les deux besoin de travailler pour conserver une vie sociale et ne pas rester enfermés en permanence dans le monde du handicap », insiste-t-elle. Mais cela ajoute aussi forcément à la charge mentale.

Horaires flexibles

Heureusement, Karine dispose de 31 jours de congé par an, auxquels s'ajoutent 20 jours de RTT. « Cela me permet de garder mon fils quand il n'a pas école », témoigne-t-elle. Elle a aussi la chance de jouir d'une grande flexibilité dans ses horaires de travail. « Nous pouvons commencer entre 7 heures et 10 heures le matin et finir entre 15 h 30 et 19 heures le soir sans avoir à demander la moindre autorisation préalable », explique-t-elle.

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Officiellement reconnue comme aidante familiale par son employeur, Karine bénéficie en plus de trois jours de télétravail par semaine, au lieu de deux pour les salariés lambda. « C'est vraiment appréciable de se sentir accepté et soutenu dans son rôle d'aidant ! », sourit-elle.

Journées de formation et de sensibilisation

Et si les lignes étaient en train de bouger ? Et si, devant l'allongement de la vie, l'augmentation des maladies chroniques et le manque de personnel dans le secteur de l'aide à domicile, les entreprises étaient enfin prêtes à s'engager pour faciliter la vie de leurs salariés aidants ? Certaines organisations en tout cas développent des initiatives qui ont valeur d'exemple, comme l'a souligné le récent colloque de l'Observatoire solidaire sur les salariés aidants créé par La Mutuelle Générale. Il a aussi rappelé combien cette dynamique a besoin d'être renforcée et étendue.

« Aujourd'hui, quelque 4 millions d'actifs en France apportent bénévolement de l'aide à un ou plusieurs de leurs proches dépendants », rappelle Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique, fondatrice du cabinet de conseil Zibens et autrice du livre « Etre présent pour ses parents » (Les éditions de l'Observatoire). « C'est loin d'être une goutte d'eau. Les entreprises commencent à se rendre compte qu'elles ne peuvent plus passer à côté du sujet. » Question de santé au travail, d'abord. Question aussi d'image et d'attractivité.

C'est loin d'être une goutte d'eau. Les entreprises commencent à se rendre compte qu'elles ne peuvent plus passer à côté du sujet.

Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique, fondatrice du cabinet de conseil Zibens

Conscientes de l'enjeu, certaines lancent des groupes de parole. D'autres organisent des journées de formation et de sensibilisation. « Le hic, c'est que les solutions proposées ne répondent pas toujours aux besoins des principaux intéressés », regrette le Dr Hélène Rossinot. D'après une enquête réalisée en ligne, du 31 août au 1er septembre 2022, par Harris Interactive pour l'Observatoire Cetelem, 39 % des aidants actifs occupés estiment ainsi que les entreprises devraient en priorité autoriser des horaires de travail plus flexibles, voire, pour 37 % d'entre eux, une diminution du temps de travail sans perte de salaire.

Des plateformes d'aide et d'écoute

Le télétravail est également souvent plébiscité. Catherine Menoux fait partie de ses adeptes. Depuis vingt ans, cette cadre formatrice dans un institut de soins infirmiers à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) accompagne sa soeur aînée atteinte d'une sclérose en plaques. « Le matin, je me lève tôt pour pouvoir la changer et l'asseoir dans son lit avant d'aller travailler », raconte-t-elle. « La journée, ce sont mes parents qui prennent le relais, mais ils vieillissent. Et le service de soins infirmiers à domicile n'intervient jamais le week-end et les jours fériés. Heureusement que je peux bénéficier de trois jours ou six demi-journées de télétravail dans le mois. Cela me permet d'être là quelques après-midi de temps en temps. » D'après l'enquête de l'Observatoire Cetelem, 35 % des aidants en emploi plaident également pour des jours de congé supplémentaires.

Accompagnement personnalisé

C'est ce que propose notamment La Mutuelle Générale. « Chez nous, les aidants ont droit aux six jours enfant malade », explique la DRH, Hélène Bengorine. « Depuis cette année, ils ont également la possibilité de mettre leur prime d'intéressement sur leur compte épargne temps. » En janvier 2019, le groupe indépendant en gestion de patrimoine Primonial , qui compte près de 1.138 collaborateurs, a lui fait le choix de signer un partenariat avec la plateforme de services Prev & Care . « Tous nos collaborateurs en situation d'aidance peuvent ainsi être accompagnés gratuitement par un 'care manager' », explique Adilia Lopes, la DRH du groupe. Sa mission ? Evaluer les besoins de l'aidant et de ses proches, proposer un plan d'aide personnalisé, rechercher les aides financières possibles ainsi que les prestataires professionnels adaptés.

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Carole, 50 ans, y a eu recours à l'été 2020 quand elle a appris que son père était atteint d'un cancer incurable. « Le care manager m'a fourni la liste de tous les centres de soins palliatifs à proximité du domicile de mes parents et m'a orientée vers des groupes de parole », témoigne-t-elle. « Il m'a accompagnée jusqu'au décès de mon papa en novembre 2021 et même après. »

Proposer des mesures d'accompagnement, c'est bien. Reste à faire évoluer les mentalités. « Les salariés aidants sont encore trop souvent perçus comme un handicap alors qu'ils développent des tas de compétences qui peuvent être utiles dans la sphère professionnelle comme la négociation, la gestion d'un budget… », énumère Hélène Rossinot. « Il est temps que les entreprises changent de culture et soient enfin fières de leurs aidants. »

La Story : Les aidants familiaux, au coeur du problème de la dépendance

Mathilde Riaud

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