Scrutés, raillés ou fantasmés, les élèves de Sciences Po laissent rarement indifférent. La majorité d’entre eux exercera des responsabilités à la tête de l’Etat comme au sein du secteur privé – plus de 70 % choisissent d’y faire carrière –, et à ce titre, ils figurent parmi les étudiants les mieux identifiés dans la vaste communauté de l’enseignement supérieur.
Leur école, rue Saint-Guillaume, à Paris, du haut de ses 150 ans, est une institution française dont l’attractivité n’a cessé de croître : en 2021, année de son entrée sur la plate-forme Parcoursup, le nombre de candidats lycéens a bondi de 100 %, atteignant 18 000 pour un taux de sélectivité oscillant autour de 10 %. En vingt ans, Sciences Po a triplé ses effectifs (plus de 12 000 étudiants en bachelor, master et doctorat) et ouvert pas moins de sept campus, hors de Paris.
Qu’est-ce qui caractérise ces nouvelles recrues ? En quoi diffèrent-elles des précédentes mais aussi du reste de la jeunesse du pays ? Dans leur ouvrage Une jeunesse engagée (Presses de Sciences Po, 240 pages, 17 euros), qui sort en librairie jeudi 6 octobre, le professeur en science politique Martial Foucault et la sociologue Anne Muxel proposent une radiographie des étudiants au regard de la précédente enquête menée en 2002, par Anne Muxel, passant au crible leurs modes de vie, idées, valeurs et cultures politiques.
L’appartenance à une élite
En vingt ans, « l’individualisation du rapport à la politique a progressé ainsi que la défiance à l’égard des responsables politiques », observent le professeur, également directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) et sa consœur sociologue, directrice de recherche CNRS au Cevipof.
Le portrait qui ressort des quelque 5 000 réponses donne à voir des jeunes toujours plus engagés à gauche et dans la vie de la cité. Près de 36 % appartiennent à une association humanitaire ou caritative, une proportion qui a presque doublé en vingt ans. La double emprise de « la disruption électorale du macronisme » et de « la tentation de la radicalité » caractérise cette génération « prompte à se mobiliser tout en sachant adapter son répertoire d’actions », souligne Anne Muxel. « Ils savent mieux que les autres jeunes emprunter différentes formes de participation politique et de citoyenneté, détaille-t-elle. Ils sont capables d’adopter des postures contestataires, jusqu’à des actions de blocage, mais en même temps, ils vont voter en très grand nombre [plus de 90 % lors de l’élection présidentielle] et l’abstention n’est pas compréhensible pour eux car ils font confiance à la démocratie représentative. »
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