Réparer la justice prendra du temps. Les chiffres comparant les moyens de la justice et son fonctionnement dans les 46 Etats du Conseil de l’Europe, publiés mercredi 5 octobre, restent cruels pour la France. Selon le rapport 2022 de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej), basé sur les données de l’année 2020, la France dépense 72,53 euros par an et par habitant pour financer son système judiciaire (hors prisons, protection judiciaire de la jeunesse et fonctionnement du ministère), là où la moyenne européenne est de 78 euros. Une moyenne tirée par le bas par les pays d’Europe centrale.
Par rapport à ses voisins directs comme l’Italie (82 euros par an et par habitant), l’Espagne (88 euros) ou l’Allemagne (141 euros), le fossé est impressionnant. Il ne s’est pas comblé malgré la hausse de 10 % de 2016 à 2020 du budget alloué au système judiciaire tricolore. Car les moyens de la justice ont aussi augmenté dans les autres pays européens. Les 26 % de hausse de budget du ministère de la justice en trois ans (2021-2022-2023) devraient néanmoins commencer à se voir lors de la prochaine étude européenne en 2024.
Ce constat vient conforter le diagnostic posé par les Etats généraux de la justice en juillet. Mais il n’est pas sûr que la promesse d’Emmanuel Macron de créer 1 500 postes de magistrats au cours du quinquennat suffira à combler le retard. Selon la Cepej, la France comptait 11,2 juges pour 100 000 habitants en 2020, contre 22 en moyenne en Europe, et 3,2 procureurs (contre 11,8).
De plus, les autres personnels, pourtant indispensables au fonctionnement de la justice que sont les greffiers, les fonctionnaires et les assistants spécialisés autour du juge, sont moins nombreux qu’ailleurs. Ce qui peut expliquer les difficultés de la France, car cela contredit la règle observée par la Cepej selon laquelle lorsque chaque juge est assisté par un plus grand nombre de personnels non juges, moins de juges sont nécessaires.
Justice civile embolisée
C’est l’un des défis auxquels le système français est confronté. « L’équipe autour du juge », censée l’aider pour les recherches juridiques et préparer les décisions, annoncée depuis longtemps comme une solution pour gérer tant les contentieux de masse que les litiges extrêmement complexes, tarde à devenir une réalité.
« L’existence, aux côtés des juges, d’un personnel compétent exerçant des fonctions bien définies et doté d’un statut reconnu est une condition essentielle au fonctionnement efficace des systèmes judiciaires », note la Cepej. La France compte en moyenne 36 personnels non juges pour 100 000 habitants, bien en dessous d’une moyenne européenne située à 58. La conséquence est une justice civile embolisée dont l’efficacité mesurée par la Cepej est parmi la plus mauvaise d’Europe en matière de taux de couverture et d’importance des stocks d’affaires.
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