C’est à l’issue de l’affaire Olivier Duhamel, du nom de l’ex-président de la Fondation nationale des sciences politiques accusé d’inceste sur son beau-fils, que Mathias Vicherat, en 2021, a pris la tête de l’école où il avait lui-même étudié au tournant des années 2000. Vingt ans plus tard, l’enquête que publient, jeudi 6 octobre, les chercheurs Martial Foucault et Anne Muxel, Une jeunesse engagée (Presses de Sciences Po, 240 pages, 17 euros), décrit une communauté étudiante très marquée à gauche, qui légitime bien plus que ses aînés une culture de la protestation, parfois radicale. Le directeur de Sciences Po réagit à l’ouvrage dans lequel il perçoit notamment « une lucidité des étudiants face à l’état du monde ».
En vingt ans, l’univers culturel et politique de la droite a quasiment disparu de l’école. L’adhésion aux idées de gauche passe de 57 % à 71 % et Jean-Luc Mélenchon a remporté 55 % des suffrages des étudiants à l’élection présidentielle. Sciences Po, une école de gauche donc, et de la gauche radicale…
Dans tous les IEP [instituts d’études politiques] de France, les étudiants se situent à gauche de l’échiquier. Ici, ils sont très largement favorables à la mondialisation, à la construction européenne, 89 % défendent une grande tolérance par rapport aux idées des autres même si elles sont contraires aux leurs, leur appréciation du mot « wokisme » est négative à 53 % et 85 % considèrent la laïcité comme une notion positive. Ce ne sont pas des attributs de ce qu’on peut appeler la gauche radicale. C’est un portrait tout en nuances de l’étudiant de Sciences Po, révélateur des engagements de la jeunesse.
Parmi leurs personnalités préférées, on trouve du pluralisme : des personnes de gauche comme Alexandria Ocasio-Cortez mais aussi Emmanuel Macron, Christine Lagarde, Ursula von der Leyen. Quant à la droite républicaine, elle a fortement reculé dans toute la France, comme l’a montré la dernière élection présidentielle, et, par ailleurs, le profil des électeurs de M. Macron est composite. Cela étant, le syndicat UNI [de droite] est l’un des plus importants à Sciences Po.
La solitude, le mal-être face au réchauffement climatique, la possibilité d’une guerre mondiale sont exprimés par une forte majorité d’étudiants… La culture protestataire de la génération 2022 repose-t-elle plus sur des craintes existentielles que sur un engagement visionnaire ?
Les effets de la crise liée au Covid sont encore présents. En réalité, on est moins seul à Sciences Po que dans n’importe quelle fac. Il y a plus de 200 associations et quand vous venez pour un cours, vous ne repartez pas aussitôt après. On fait Sciences Po pour s’engager. L’inquiétude des étudiants est liée à leur lucidité. Ils appartiennent à la génération du rapport du GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] qui indique qu’il n’y a plus que trois ans pour agir, celle de la guerre qui revient aux portes de l’Europe.
Il vous reste 46.34% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.