Au téléphone, Yann Bisiou, maître de conférences en droit à l’université de Montpellier, nous le dit comme ça : « Cette rentrée, globalement, c’est la déprime. » Sa classe préparatoire « talents », destinée à préparer pendant un an à des concours de catégorie A de la fonction publique, est presque vide : elle ne compte que deux élèves. « Alors que, pour une fois, on a un projet dans l’enseignement supérieur dans lequel le gouvernement met de l’argent… », soupire cet enseignant-chercheur.
Un an après son lancement, le dispositif, censé remédier au manque de diversité sociale de la fonction publique et à sa perte d’attractivité, peine à se rendre visible auprès des étudiants. Pour cette deuxième rentrée, 2 000 places sont officiellement proposées partout en France. Mais le ministère de la fonction publique refuse de dire combien ont été pourvues, ni cette année ni pour l’année 2021-2022.
Sur la dizaine de prépas que nous avons interrogées (il en existe 72), aucune ne fait le plein. Selon les villes, la moitié, voire les deux tiers des places ne sont pas pourvues. « On a du mal à recruter, pour des questions de vivier, et parce que nous voulons garder une certaine exigence », reconnaît Coralie Mayeur, responsable de la « prépa talents » de l’université de Franche-Comté, qui ne compte que quatre étudiants pour dix places.
« Et pourtant, c’est un beau dispositif », poursuit-elle. Les élèves, sélectionnés sur critères académiques et sociaux, ont des cours en petits groupes, un suivi individuel, des préparations aux oraux… « J’ai découvert tout un monde que j’ignorais totalement, explique Claudia Chaboissier, élève de la prépa montpelliéraine en 2021-2022, titulaire d’un master en anthropologie. On avait d’excellents intervenants, on était bien conseillés. J’ai gagné confiance en moi, en la possibilité d’avoir un jour un travail qui me plaît. » Elle croise les doigts pour la suite : après avoir été recalée à l’oral au concours des instituts régionaux d’administration (IRA), elle vient d’être admissible à un concours du social qui lui plaît. Jusque-là, elle travaillait en intérim pour une société de transport.
Une bourse de 4 000 euros
Pour bûcher dans de bonnes conditions, tous les élèves touchent une bourse annuelle de 4 000 euros, cumulable avec celle versée par leur Crous. L’établissement reçoit, lui, une subvention de 6 500 euros par étudiant. Cerise sur le gâteau, les « talents » disposent d’un quota de places réservées pour eux dans quatre écoles – dont l’Institut national du service public, ex-ENA, mais aussi l’Institut national des études territoriales (INET) ou l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP).
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