Le design, « s’il veut assumer ses responsabilités écologiques et sociales, doit être révolutionnaire et radical. Il doit revendiquer pour lui le principe du moindre effort de la nature, faire le plus avec le moins. » Voilà ce qu’écrivait, pour ses étudiants, le designer austro-américain Victor Papanek (1923-1998) dans un livre-manifeste avant-gardiste, Design for the Real World. Human Ecology and Social Change, publié en 1971, à New York, et traduit aussitôt dans vingt langues.
Un demi-siècle plus tard, les jeunes designers français marchent dans les pas de ce pionnier de l’écodesign, à croire qu’ils ont tous en poche la réédition critique de son ouvrage, parue en 2021 en français (Design pour un monde réel, aux Presses du Réel). Les voilà qui, suivant la feuille de route du prémonitoire Victor Papanek, mettent en pratique un design responsable vis-à-vis de la planète et de la société. Tout un programme qui vise l’inclusion sociale plutôt que le profit monétaire et qui prône le respect de l’environnement plutôt que l’exploitation illimitée de la nature et de ses ressources.
« Depuis quelque temps, les projets sur lesquels travaillent nos étudiants portent en germe de nouveaux modèles industriels, confirment, à l’Ecole nationale de création industrielle (Ensci-Les Ateliers), Edith Hallauer, docteure en urbanisme et coordinatrice des mémoires, et Gilles Belley, designer et responsable des diplômes. Certains d’entre eux prêtent attention aux ressources et cherchent des économies de moyens, d’autres repensent la question des matériaux, des filières, des gisements ou d’une fabrication vertueuse. La plupart d’entre eux œuvrent à une meilleure habitabilité du monde et changent de logiciel : ils s’éloignent des modes de pensée et de production du siècle précédent, en travaillant aussi de nouvelles organisations et l’innovation sociale. »
A l’heure de l’urgence climatique et sociale, la jeune garde du design s’est mise au régime frugal. Zoom sur quelques créateurs, fournisseurs de solutions alternatives dont la planète a crûment besoin.
Solène Meinnel, l’eau de pluie qui rapproche
La cour d’immeuble… De ce lieu de passage, Solène Meinnel a voulu faire un endroit inspiré et convivial, comme l’étaient autrefois les puits au cœur des villages. Cette diplômée en décembre 2021 d’un master de l’Ensci-Les Ateliers – abordant le défi critique de la pénurie d’eau – a imaginé planter dans les communs des arbres artificiels dont les palmes récupèrent l’eau du ciel, qui est mise à disposition des habitants. Son dispositif – un bâti en inox, pierre et argile – intègre des collecteurs dans lesquels chacun peut puiser de l’eau et des récipients en céramique remplis de sable, façon frigos du désert. « L’idée est d’échanger dans la cour de l’immeuble et de se retrouver autour d’un potager partagé, voire de préparer des repas pour un moment festif », explique Solène Meinnel.
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