Rassurer. Expliquer. En limogeant Eric Arella, patron de la police judiciaire (PJ) dans vingt et un départements du sud de la France, le ministère de l’intérieur a sans doute sous-estimé ces deux principes de base de la communication de crise. Et transformé une question éminemment technique, qui ne passionnait guère les foules, en un sujet d’opinion, avec questions au gouvernement, tribunes et communiqués.
Mardi 11 octobre, 200 fonctionnaires se sont rassemblés devant le 36, rue du Bastion, siège de la PJ parisienne, en soutien au mouvement de protestation de leurs collègues dans plusieurs villes de province, et alors même que la Préfecture de police de Paris n’est pas concernée par le projet de réforme en cours. « On ne peut pas dire que cette mobilisation soit inattendue, estime Yann Bauzin, président de l’Association nationale de la police judiciaire. L’esprit PJ, c’est justement cette réactivité permanente et cette solidarité. Ça ne devrait surprendre personne, et surtout pas notre hiérarchie, que la PJ puisse réagir ainsi lorsqu’on menace son existence. » Plus étonnant, en revanche : à Paris, des magistrats et des avocats se sont joints au rassemblement policier. La Conférence nationale des procureurs généraux a, pour sa part, appelé à une « suspension » de la réforme.
Certes, la fronde organisée, jeudi 6 octobre, par 200 fonctionnaires au siège de la PJ de Marseille lors de la venue du directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux, qui devait y décliner son projet de réforme, pouvait difficilement rester sans réponse. La diffusion sur les réseaux sociaux de la vidéo de cette séquence, où les policiers se dressent, silencieux et les bras croisés, face à M. Veaux, lui-même figure de la PJ, s’est révélée trop virale, trop dévastatrice pour que la place Beauvau demeure muette. Mais l’éviction expresse d’Eric Arella, haut responsable policier fort estimé de ses troupes marseillaises, a agi comme un puissant levier de mobilisation.
Problème de méthode
Depuis plusieurs mois et l’annonce de la création de « directions départementales de la police nationale », la PJ craint de perdre son indépendance et le haut niveau de technicité qu’elle revendique en matière de lutte contre le crime organisé, pour se voir confier des enquêtes plus courantes, dont la résolution contribuerait à réduire le volumineux stock d’affaires en cours. Elle redoute, en outre, que sa liberté d’action soit limitée aux frontières de chaque département, quand les groupes criminels les plus structurés se montrent mobiles et étendent leurs ramifications à travers le territoire et à l’étranger.
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