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La jeunesse n’est pas optimiste mais elle est déterminée

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Absente des débats télévisés, la jeunesse semble invisible, mais elle est bien présente et de plus en plus consciente des enjeux. Elle demande à être entendue.
par Alice Barbe, entrepreneure sociale, fondatrice de l'Académie des futurs leaders
publié le 17 octobre 2022 à 16h18
Démissions, difficultés de recrutement, télétravail, quête de sens… Comment réenchanter le travail ? Libération organise, en partenariat avec Solutions Solidaires, un forum live le 18 octobre, en direct du journal.

Désespérée, probablement. Défaitiste, certainement. L’éco-anxiété, le Covid et le chômage laissent peu de place à l’optimisme pour une jeunesse française de plus en plus consciente des enjeux. Alors que l’abstention des 18-24 ans est dénoncée à coup de plateaux télévisés où ces mêmes jeunes abstentionnistes ont rarement leur place, jamais nous n’avons vu autant d’entre eux protester sur des sujets sociétaux. Ils ont l’avenir devant eux, mais n’ont aucun levier politique.

«Vous n’avez qu’à voter», répondent les politistes. Voter, alors qu’une immense majorité des moins de 35 % considèrent les responsables politiques corrompus en partie ou en totalité ? Voter, alors que le débat politique se polarise entre démocratie et extrême droite ?

Entre Zemmour incarnant ce grand-oncle raciste, qui normalise ce que raconte Marine Le Pen, qui finalement ne parle pas aux jeunes, sauf à les embarquer dans la haine et le rejet de l’autre, à l’instar des algorithmes nous enfermant avec ceux qui sont d’accord avec nous. Du pain bénit pour les mouvements d’extrême droite, leurs méthodes de «community organizing» sur les réseaux sociaux, leurs camps d’été, voire leurs écoles.

Le fossé entre les jeunes et représentants politiques devrait inciter les partis politiques, les institutions, les entreprises à leur parler. Mais cette jeunesse si passionnée, acculée au pied du mur d’un monde semblant agoniser, ne trouve pas ses réponses ni ses solutions dans ce vieux monde grisonnant. Nous les trouvons en revanche dans la rue et sur Internet. Nous trouvons un écho au niveau mondial, national et local, dans ce que l’on nomme les mouvements : les réseaux sociaux revendiquant un nouveau militantisme, l’engagement associatif et solidaire, les grèves pour le climat.

Contradiction ?

Absente des débats télévisés, la jeunesse semble invisible, mais elle est bien présente. Elle demande, elle exige, d’être entendue, mais peut parfois se heurter à sa silenciation, voire au mépris. Elle n’a pas de frontière et s’engage de Téhéran à Glasgow, face aux armes ou aux lacrymos. Elle n’en peut plus d’écouter des inconnus définir leur destin, mais elle sait qu’elle doit s’engager, davantage, avec plus de radicalité, que les générations qui la précédaient.

La jeunesse n’est pas optimiste, mais elle est déterminée. Sans les moyens de son engagement, il n’y a pas de survie de la démocratie. Quoiqu’il en coûte, quitte à sacrifier son temps libre, ses études, et même à se mettre en danger, cette génération est prête à tout, et veut sa place. Donnons-lui ce qui lui manque : de la légitimité, de la place, du pouvoir.

N’oublions pas que ce sont les jeunes, et notamment les femmes, les personnes les plus précaires, les plus oubliées par le débat public, qui ont initié les grands mouvements sociaux. N’oublions jamais que le progrès, qu’il soit social, scientifique ou politique, naît toujours d’un constat d’injustice. Ne reste qu’à créer les conditions de ce progrès.


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