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Territoire zéro chômeur de longue durée: «La question du bien-être au travail est un bon indicateur»

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L’expérience TZCLD, mise en place en 2016, va chercher les personnes éloignées du marché de l’emploi pour leur trouver des postes adaptés à leurs capacités. Une réussite qui s’étend maintenant à plusieurs dizaines de territoires.
par Didier Arnaud
publié le 18 octobre 2022 à 10h00

Comment aider ceux qui ont perdu leur job, les remettre en selle, en confiance, et au travail ! Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD) est une expérimentation nationale, qui a démarré en 2016. Au départ, elle concernait dix territoires. Une quarantaine de lieux se sont ensuite fait labelliser, et 135 projets émergents sont aujourd’hui validés.

«L’idée est de cibler les personnes sans emploi, sur des territoires d’au moins 10 000 habitants, dans des milieux urbains ou des communautés de communes en zone rurale», explique Timothée Duverger, maître de conférences à Sciences-Po Bordeaux et président de l’Observatoire de TZCLD. «On regarde combien il y a de chômeurs de longue durée, on cherche ceux qui ne sont pas inscrits à Pôle Emploi, hors des radars, détaille-t-il. On est dans une logique d’inversion de l’emploi. Quels désirs ont ces chômeurs vis-à-vis du travail ? Que savent-ils faire ? De quelles activités le territoire a-t-il besoin – une conciergerie, par exemple –, on essaye alors de trouver des entreprises qui permettent de porter les emplois ainsi repérés.»

Des emplois en CDI, avec des temps de travail adaptés

Le dispositif est piloté par des associations comme ATD Quart Monde ou des collectivités locales. «Il s’agit d’identifier les besoins en emploi, de créer un collectif. On fédère l’économie via un système local.» Ces activités doivent être non concurrentielles par rapport aux activités existantes. L’argent du RSA peut être réinjecté dans le salaire. Il s’agit d’emplois en CDI, avec des temps de travail adaptés. Il y a aussi des accompagnements divers, des formations. Les EBE (entreprises à but d’emploi) créées à cette occasion ont un statut économie sociale et solidaire et sont conventionnées par le territoire sur lequel elles sont implantées.

Les premiers territoires ont été désignés en 2016. «Il y avait des carences au début, pas de dialogue social, un manque d’information, poursuit Timothée Duverger. Cela a été comblé depuis, via des formations proposées. Tout est évalué par un comité scientifique au plan national. Beaucoup de chômeurs n’auraient pas repris un emploi sans cette organisation.» Les rapports sont unanimes pour dire que le bilan est positif. Les premiers ont eu lieu dans la Nièvre, à Mauléon (Deux-Sèvres), Lille ou Villeurbanne. On comptait sept territoires ruraux et trois urbains.

Thiers Entreprise, dans le Puy-de-Dôme, fait partie du réseau. Il a ouvert ses portes le 1er décembre 2021, avec 18 salariés privés d’emploi et trois coordinatrices. Ils réalisent diverses prestations pour les collectivités locales ou la mairie, des ateliers de couture, de la production de peluches en France ou des habits adaptés pour les handicapés. «Nous atteignons désormais 40 personnes», explique avec fierté Yoann Roche, directeur de Thiers Entreprise. Qui ne cache pas les difficultés rencontrées : «Les réactions à la reprise d’emploi dépendent de la personne. Certains n’ont jamais travaillé. Ils partent à la découverte des codes de l’entreprise. Ce n’est pas toujours facile. Mais on se débrouille pour les maintenir dans l’emploi. Il y a des formations en interne. On s’adapte.»

Freins socioprofessionnels et problèmes médico-sociaux

«On compte moins de 2 % d’absence non justifiées, se félicite Yoann Roche. On met les salariés au centre de l’entreprise. Les activités sont pérennes c’est hyperrassurant que le carnet de commandes soit rempli. Tous les salariés viennent avec le sourire et se sentent valorisés. La question du bien-être au travail constitue un bon indicateur. Et l’on constate des changements dans la vie personnelle. Ils s’ouvrent plus, veulent davantage s’investir dans leur quartier, sont fiers de dire qu’ils travaillent et ont retrouvé un statut. Ils ne se cachent plus. On travaille pour la génération suivante : aujourd’hui, des enfants de salariés nous demandent de venir en stage !»

La zone de Thiers, auparavant en perte de vitesse, a retrouvé une dynamique depuis 2021. Et si les freins socioprofessionnels restent compliqués à gérer ainsi que les problèmes médico-sociaux liés au handicap physique et moteur, Yoann Roche est optimiste : «Le territoire zéro chômeur gagnerait à davantage communiquer, notamment autour de la solidarité dont font preuve les chefs d’entreprise, très concernés par le projet.»

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