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Décryptage

Dans les lycées professionnels, turbulences sociales avant le lancement de la réforme

La ministre déléguée à l'Enseignement et à la Formation professionnels, Carole Grandjean, lance vendredi la concertation sur le lycée professionnel, pour renforcer le lien avec l'entreprise, augmenter la durée des stages et payer les élèves.

L'ensemble des syndicats d'enseignants des lycées professionnels s'opposent à la réforme de l'exécutif.
L'ensemble des syndicats d'enseignants des lycées professionnels s'opposent à la réforme de l'exécutif. (NICOLAS MESSYASZ/SIPA)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 18 oct. 2022 à 08:00

« C'est du jamais vu depuis quarante ans », lance Pascal Vivier, secrétaire général du SNETAA-FO, premier syndicat d'enseignants dans les lycées professionnels. Tous les syndicats ont appelé à la grève ce mardi contre la réforme de la voie professionnelle, qualifiée d' « immense chantier » par Emmanuel Macron. L'appel à la grève a gagné l'ensemble de l'Education nationale.

Du côté des enseignants non syndiqués aussi, l'incompréhension domine, alors que la précédente réforme vient de se mettre en place.

La ministre déléguée à l'Enseignement et à la Formation professionnels, Carole Grandjean , donnera ce vendredi le coup d'envoi de la concertation . Quatre groupes de travail seront consacrés au décrochage, aux poursuites d'études, au taux d'accès à l'emploi et aux nouvelles marges de manoeuvre des établissements.

« Quand parlera-t-on des vrais sujets qui crispent ? s'inquiète Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN, principal syndicat de chefs d'établissement. Quand débattra-t-on de l'augmentation du nombre de stages, de la contrepartie financière et de la généralisation de la découverte des métiers ? La gratification des stages [ payée par l'Etat , NDLR] sera-t-elle cumulable avec les bourses ? Que se passera-t-il si l'assiduité du jeune n'est pas respectée ? Aujourd'hui, personne n'est capable de nous répondre. »

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Les syndicats déplorent une fausse concertation, expliquant que la ministre a déjà fixé l'objectif : augmenter la durée des stages de 50 % à partir de septembre 2023. « On va donc négocier des miettes », s'emporte l'un d'eux. Le gouvernement évoque une réforme « très progressive » et assure que l'objectif est celui d'une meilleure insertion, l'augmentation de 50 % de la durée des stages pouvant être un moyen d'y parvenir.

La hausse du temps passé en entreprise concentre toutes les inquiétudes : les élèves auront-ils moins de cours ? Avec quelles conséquences pour les enseignants ?

« Une semaine de stage, une semaine de cours »

Emmanuel Macron a appelé à « dédoubler les classes », avec une partie des élèves en stage et une autre au lycée, pour « avoir le temps de français, de maths ou autres dans une classe deux fois moins nombreuse ». « A terme, l'idée serait de mettre en place une véritable alternance avec une semaine de stage et une semaine de cours », explique un bon connaisseur du dossier.

« Le ministère va cantonner les lycéens à des métiers liés aux bassins d'emploi, c'est un scandale scolaire », réagit Sigrid Gerardin, secrétaire générale du SNUEP-FSU. L'intersyndicale y voit « de la main-d'oeuvre gratuite » pour des entreprises en proie aux pénuries. « Si c'est pour mettre des boîtes de conserve dans des rayons, on peut faire 50 % de temps en plus en entreprise, ce n'est pas ça qui va apporter pédagogiquement quelque chose aux élèves, s'agace Bruno Bobkiewicz. En entreprise, il y a parfois des choses très intéressantes et parfois, pas du tout. » Il faudra « construire un pacte de formation avec les entreprises », rétorque un promoteur de la réforme.

La réponse des entreprises, « un vrai sujet »

Mais les entreprises, justement, pourront-elles répondre à cette demande accrue de stages, alors que les lycéens peinent déjà à en trouver ? « C'est un vrai sujet, reprend cette même source. Certains lycées peuvent être dans des secteurs isolés ou en crise économique. »

Le gouvernement veut fermer des filières qui envoient certains élèves « dans le mur » et en ouvrir d'autres, en lien avec les nouveaux métiers du plan France 2030 . Le chef de l'Etat a déjà parlé de « reconversion » des enseignants et de « formation » aux nouveaux métiers.

Le gouvernement justifie la réforme par la lutte contre le décrochage . « Dire que le lycée professionnel est le fautif du décrochage scolaire, c'est une provocation inutile, réagit Pascal Vivier. C'est comme si on s'étonnait qu'il y ait plus de morts aux urgences des hôpitaux qu'en dentaire. On récupère des jeunes cabossés par la vie. »

La question de la gouvernance des lycées professionnels et du rôle accru des entreprises dans leurs conseils d'administration est aussi « un chiffon rouge », rappelle le syndicaliste.

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« Répondre aux aspirations des jeunes »

L'intersyndicale lycéenne a appelé au blocage des établissements, considérant que l'intervention d'entreprises dès la classe de cinquième, dans le cadre des « demi-journées avenir », serait « une hérésie ». Le collectif « Une voie pour tous », qui réunit lycéens professionnels, anciens de ces établissements et professeurs milite pour dresser « un constat lucide ».

La nouvelle génération ne rêve pas que d'employabilité, explique son fondateur Dylan Ayissi. « Le secteur du jeu vidéo est en pleine explosion, expliquait-il lors d'une rencontre organisée par le think tank « VersLeHaut ». Pourquoi ne pas avoir des filières professionnelles dans ce secteur, ou dans les métiers du web, du sport, du social - celles qui ressemblent aux aspirations des jeunes et pas seulement aux besoins économiques ? »

Marie-Christine Corbier

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