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Décryptage

Education : l'enseignement de l'allemand en perte de vitesse

L'allemand est l'une des disciplines les plus touchées par le manque de professeurs. L'appétence des élèves est aussi en baisse. En 2021, seuls 147.000 élèves ont choisi l'allemand comme première langue, contre plus de 600.000 en 1995.

Seuls 55 % des postes de professeurs d'allemand ont été pourvus aux concours de recrutement, en juillet dernier.
Seuls 55 % des postes de professeurs d'allemand ont été pourvus aux concours de recrutement, en juillet dernier. (Michel GAILLARD/REA)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 19 oct. 2022 à 08:00Mis à jour le 19 oct. 2022 à 08:10

C'est l'un des chiffres les plus frappants de la pénurie d'enseignants . En juillet dernier, seuls 55 % des postes de professeurs d'allemand ont été pourvus aux concours de recrutement, contre 70 à 81 % les trois années précédentes.

Le déficit n'est pas nouveau. « Très souvent, les établissements qui cherchent un enseignant s'adressent à l'Institut Goethe qui nous fait suivre la demande, puis on diffuse l'offre en espérant que quelqu'un se manifeste », se désole Ulrike Zahn, présidente de l'Association pour le développement de l'allemand en France. Le problème d'attractivité tient, selon elle, à des professeurs qui doivent enseigner dans plusieurs établissements, « ce qui rend le métier épuisant ». Selon une enquête de l'association, en 2020, 48 % des professeurs interrogés optaient pour « un temps partiel subi » pour éviter de jongler entre plusieurs établissements.

15 % des élèves

Dans l'académie de Strasbourg, « le problème chronique de recrutement devient un facteur de blocage », confie le recteur, Olivier Faron. « Le déficit est préoccupant, car il se creuse », indique-t-il, après avoir dû recourir à des opérations de « job dating » pour recruter des enseignants bilingues.

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Le déficit de professeurs se double d'un manque d'appétence des élèves. « La part des élèves qui apprennent l'allemand n'est pas négligeable, elle concerne 15 % des élèves, mais elle s'érode dans le temps, en dépit de tous nos efforts », admet Edouard Geffray, numéro deux du ministère de l'Education nationale. L'anglais est très majoritairement devenu la première langue vivante, complète-t-il, ce qui a « relégué l'allemand sur la deuxième ».

Et sur cette deuxième langue, le vivier s'est réduit à mesure que d'autres langues se sont développées, de l'espagnol à l'arabe en passant par le chinois, l'italien ou le portugais. En 1995, plus de 600.000 élèves apprenaient l'allemand comme première langue. Ils n'étaient plus que 231.000 en 2015 et 147.000 en 2021, s'alarme-t-on outre-Rhin. Au ministère de l'Education, on évoque toutefois une petite inversion de tendance en 2021, observée parmi les élèves entrant en classe de sixième.

« L'allemand, c'est cool ! »

D'autres éléments peuvent expliquer cette désaffection. « Avant, apprendre l'allemand était réservé aux meilleurs élèves, avance un entrepreneur. Ce qui était un gage de qualité est devenu une contrainte, car les parents et les élèves choisissent une langue supposée moins complexe comme l'espagnol, et qui est associée aux vacances et à la plage, alors que l'allemand reste associé à l'Histoire entre nos deux pays et à des sujets qui ne donnent pas envie aux jeunes d'apprendre l'allemand. » Il faut réussir à expliquer qu'en fait, « l'allemand, c'est cool ! », glisse un haut responsable allemand.

Pour « éviter de tomber dans l'image de l'allemand réservé aux très bons élèves », l'Education nationale cherche à développer la langue dans l'éducation prioritaire et l'enseignement professionnel. Et tente de « réamorcer la pompe » dans les écoles primaires. A la rentrée 2022, 275 écoles proposaient ainsi une initiation à l'allemand.

Il faut aussi « expliquer pourquoi l'allemand est important », insiste Olivier Faron en évoquant l'Ukraine et le pôle franco-allemand « au coeur des enjeux européens depuis le Brexit ». A Strasbourg, il compte sur le projet de lycée franco-allemand pour « avoir de jeunes bilingues ». Mais l'effort doit aussi se faire dans l'enseignement supérieur, plaide-t-il.

« Quasiment la garantie de trouver un emploi »

A ceux qui considèrent que l'anglais suffit, le directeur général de la Chambre franco-allemande de commerce et d'industrie, Patrick Brandmaier, lance : « Il y a des moments, dans la vie d'une entreprise, lors d'une crise ou d'un rachat d'entreprise, où c'est décisif de parler la langue de l'autre. » Il évoque l'allemand comme un « atout absolu » en rappelant que l'Allemagne reste le premier client et le premier fournisseur de la France. ​Parler allemand, « c'est quasiment la garantie de trouver un emploi », souligne-t-il.

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Une étude de la chambre et du cabinet EY publiée la semaine dernière en appelait à « des effectifs mieux formés aux langues étrangères ». « Avant même l'allemand, les Français doivent être mieux formés en anglais », pouvait-on y lire. Un argument valable sur les postes opérationnels, selon Patrick Brandmaier. Un « plan d'urgence » pour l'anglais devrait être dévoilé d'ici à la fin de l'année, tout comme la stratégie franco-allemande.

Marie-Christine Corbier

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