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En chiffres

Universités : l'ampleur des discriminations pointée par une étude inédite

Les premiers résultats de la vaste étude lancée en 2018 sur les discriminations dans les établissements supérieurs et de recherche montrent l'importance des violences sexuelles et sexistes à l'université subies par les étudiantes. Elle montre aussi des discriminations d'origine chez les personnels.

Selon les premiers résultats de l'enquête Acadiscri, une étudiante sur cinq de l'université étudiée dit avoir été confrontée à des situations sexistes.
Selon les premiers résultats de l'enquête Acadiscri, une étudiante sur cinq de l'université étudiée dit avoir été confrontée à des situations sexistes. (iStock)

Par Leïla de Comarmond

Publié le 19 oct. 2022 à 22:00

Quinze ans avant #MeToo, des doctorantes et doctorants en sciences sociales créaient le Clasches, acronyme de Collectif de lutte contre le harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur, pointant la nécessité de s'attaquer au problème. Mais jusqu'à présent, aucune étude suffisamment générale n'était venue mesurer l'ampleur du phénomène des violences sexuelles et sexistes. Tout comme d'ailleurs celle des discriminations subies par les personnels des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

C'est le double objet d'une vaste enquête baptisée Acadiscri lancée en 2018 avec le soutien du Défenseur des droits dans deux universités dont les noms ont été anonymisés. Les premiers résultats de ces travaux qui seront rendus publics ce jeudi matin lors d'un colloque de l'institution indépendante en charge de la lutte contre les discriminations , livrent un diagnostic inquiétant de la situation.

Sexisme, harcèlement, agression…

Son focus sur la population étudiante réalisé dans l'université rebaptisée Bropolis révèle à la fois l'importance du sexisme ordinaire et celle des phénomènes de harcèlement et d'agression sexuels dans les universités. « Non seulement les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être confrontées à des comportements sexistes à caractère sexuel, mais ces comportements sont aussi plus souvent des actes répétés, plus violents, plus diversifiés par leur forme, et enfin plus graves dans le ressenti des personnes », résume l'étude.

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C'est ainsi qu'une étudiante sur cinq contre moins de 7 % des étudiants dit avoir été confrontée à des situations sexistes, de « propositions sexuelles dérangeantes sous couvert d'humour », à du voyeurisme ou de l'exhibitionnisme en passant par des allusions ou gestes sexuels.

A cette fréquence, s'ajoute un phénomène de répétition : près de 10 % des étudiantes ont été confrontées à ces situations cinq fois ou plus depuis le début de leur scolarité. En outre, « près d'une femme sur dix rapporte avoir subi au moins une fois un acte sexuel imposé », montre l'enquête. Enfin, si une étudiante sur deux juge les faits dont elle a été victime « sans gravité », un quart estime qu'au moins un était « assez grave » ou « très grave ».

Un « contexte de travail dégradé »

Du côté des personnels des établissements d'enseignement supérieur et de recherche aussi, qui est le second volet de l'étude portant sur une université francilienne surnommée Pilote, on constate un climat sexiste, un quart des femmes jugeant avoir de ce fait subi une discrimination et 3,5 % déclarant avoir été victimes d'un harcèlement ou d'une agression sexuelle.

L'enquête, qui pointe un « contexte de travail dégradé », montre aussi plus largement un fort sentiment d'inégalité de traitement puisque la moitié des personnels déclare avoir subi au moins un traitement inégalitaire depuis le début de sa carrière professionnelle. Si près de 40 % évoquent des remarques ou propos dévalorisants, un quart parle de harcèlement moral, 22 % de discriminations et 21 % d'injures. Dans une écrasante majorité des cas, l'auteur est un supérieur hiérarchique, tous motifs discriminatoires confondus.

Trop peu de saisines

Si l'on excepte le harcèlement et les agressions sexuelles, l'étude note par ailleurs une plus forte exposition des minorités à ces comportements. Ces traitements inégalitaires à caractère raciste touchent davantage le personnel administratif et technique (près de 13 %) que les enseignants-chercheurs (près de 7 %). A noter que les hommes sont plus touchés que les femmes (12,5 % contre environ 8 %).

Du côté de la Défenseure des droits , on souligne la nécessité pour les établissements d'enseignement supérieur de renforcer leurs politiques de prévention des discriminations, au-delà de l'impulsion donnée en 2018 . On appelle aussi les étudiants comme les personnels à se tourner plus vers l'institution, trop peu saisie jusqu'à présent. En 2021, sur le champ de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur confondus, la haute autorité n'a enregistré que 2.000 saisines.

Leïla de Comarmond

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