Mixité sociale à l'école : l'enseignement catholique en appelle aux collectivités

Alors que la récente publication de l'indice de position sociale des classes de CM2 et de collèges met en lumière les écarts de mixité sociale entre établissements publics et privés, le secrétariat général de l'Enseignement catholique déplore des inégalités de traitement de la part des collectivités.

Publiés le 12 octobre 2022, les détails par établissement de l'indice de position sociale (IPS) des classes de CM2 et de collèges à la rentrée 2021/2022 confirment ce que peu de monde songeait à nier : les élèves des établissements privés sous contrat sont, en moyenne, issus de familles socialement et économiquement plus favorisées que ceux du public.

L'IPS, indicateur créé en 2016 par le ministère de l'Éducation nationale afin de mesurer aussi finement que possible l'origine sociale des élèves, tient compte de la profession des parents mais aussi de facteurs tels que les conditions matérielles du foyer ou les pratiques culturelles de la famille. Mais les jeux de données IPS, en open data, n'ont été publiés que le 5 octobre 2022, conformément à la décision du tribunal administratif de Paris du 13 juillet et suite à la saisine d'un journaliste, Alexandre Léchenet, qui souhaitait contraindre le ministère de l'Education nationale et de la Jeunesse à la publication de ces données. Cette publication sur data.gouv.fr a fait l'objet de plusieurs réutilisations et a donné lieu notamment à la publication d'une carte "Inégalités scolaires - Cartographie des écoles et collèges selon leur indice de position sociale" réalisée par Alexis Bernard. 

Certains voient en l'IPS un outil "prédictif" de réussite scolaire. Il est notamment utilisé pour dresser la carte scolaire ou, dans certains départements, pour dimensionner la dotation globale de fonctionnement des collèges.

Contrastes géographiques

Ainsi, alors que l'IPS moyen s'établit à 103, les écoles du secteur public affichent une moyenne de 101,22, contre 112,22 pour celles du privé sous contrat. Au collège, l'écart se creuse, avec un IPS moyen de 99,97 dans le public et de 114,22 dans le privé.

Il existe toutefois de forts contrastes géographiques. Dans certaines académies, l'écart est minime : on relève un IPS de 102,82 dans les collèges privés de l'académie de Besançon, contre 101,33 pour le public, ou de 108,04 dans les collèges privés de l'académie de Rennes contre 104,09 dans le public. À l'inverse, les écarts sont notables dans les académies de Créteil (121,45 dans les collèges privés contre 97,2 dans le public), Paris (135,65 dans les collèges privés, 113,98 dans le public), Strasbourg (123,16 dans les collèges privés, 100,96 dans le public) ou Versailles (134,38 dans les collèges privés, 108,96 dans le public).

Autre donnée intéressante : l'écart-type entre l'IPS le plus élevé et l'IPS le moins élevé au sein d'une même catégorie d'établissements. Plus cet écart est grand, plus ces établissements connaissent une mixité sociale importante. Dans les collèges privés sous contrat, l'écart-type est de 154,9/66, tandis qu'il s'établit à 157,6/51,3 dans les collèges publics. D'après ces chiffres, si les collèges publics scolarisent dans certains territoires les élèves les plus favorisés, ils accueillent les plus défavorisés dans des proportions bien plus importantes que le privé. En témoignent deux autres statistiques : parmi les collèges privés sous contrat, 25% se situent sous la moyenne nationale, alors que plus de la moitié des collèges publics se trouvent dans ce même cas.

Discriminations

La publication de l'IPS des établissements intervient quelques jours seulement après le discours de Philippe Delorme, secrétaire général de l'Enseignement catholique, faisant état de difficultés que certaines familles peuvent connaître pour rejoindre l'enseignement privé sous contrat. "Un des éléments de réponse réside dans le poids de la crise financière qui touche des familles pour certaines déjà fragilisées par la crise sanitaire, a lancé Philippe Delorme. Ainsi face aux difficultés, un grand nombre de familles ont renoncé à inscrire leurs enfants dans nos établissements, quand elles ne les désinscrivent pas".

Le secrétaire général de l'Enseignement catholique vise particulièrement deux postes de dépenses : la restauration et les transports, lesquels, a-t-il précisé, "à quelques exceptions près et à la différence du public, ne sont pas pris en charge par les collectivités et incombent entièrement aux familles". Pour lui, il s'agit d'"inégalités qui ne favorisent pas la mixité sociale" et même de "discriminations".

En matière de restauration, Philippe Delorme déplore qu'en dehors de quelques collectivités, les enfants scolarisés dans l’enseignement privé ne bénéficient d’aucune aide. Il ajoute : "Il faut pourtant bien avoir à l’esprit que toutes les collectivités subventionnent l’intégralité des familles des établissements publics et donc aussi les plus aisées. Pourtant, dans le même temps, la grande majorité de ces mêmes collectivités refuse même d’aider ne serait-ce que les plus pauvres de nos établissements." Plus globalement, il juge "injuste qu’une famille, qui en raison de son quotient familial a droit à des aides sociales, soit obligée d’y renoncer dès lors qu’elle choisit d’inscrire son enfant dans un de nos établissements."

À propos des transports scolaires, Philippe  Delorme fustige "certaines régions [qui] se permettent, avançant l’argument de la sectorisation qui ne nous concerne pas, d’accorder la gratuité des cars scolaires seulement aux élèves du public, où certaines lignes de bus desservant nos établissements ont été supprimées, ou, pire encore, des élèves scolarisés dans l’enseignement privé ne peuvent monter dans le car que s’il y a des places non occupées par les élèves du public".

Volonté de progresser

L'accusation de discrimination touche encore les élèves du privé ayant besoin d’un AESH (accompagnant d'élève en situation de handicap) sur le temps périscolaire et ne peuvent en bénéficier alors qu’ils sont pris en charge par les collectivités dans le public. "Un véritable scandale", pour le secrétaire général de l'Enseignement catholique. Les récriminations de Philippe Delorme se portent enfin sur les charges financières qui pèsent sur les établissements privés "exclus des dispositifs permettant, par exemple, d’améliorer [leur] bâti scolaire, et notamment des aides pour les travaux de rénovation énergétique".

"Nous remplissons notre mission avec moins de moyens que dans le public [et] cela ne suffira pas pour atteindre des objectifs de mixité sociale qu’on attend de nous et pour lesquels je souhaite fortement […] que nous progressions. On ne peut pas d’un côté nous reprocher notre manque de mixité sociale et de l’autre refuser de mettre en place les mesures pour permettre son développement", a conclu Philippe Delorme.

L'enseignement privé sous contrat rassemble quelque 7.500 établissements des premier et second degrés, dont 96% dépendent de l'Enseignement catholique, et scolarise 2,06 millions d'élèves. Depuis la rentrée de 2021, il est davantage associé à la politique d’éducation prioritaire dans le cadre des contrats locaux d’accompagnement (CLA).