Comment seront formés les 8 500 policiers dont la première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé le recrutement sur cinq ans, le 6 septembre ? De manière insuffisante, selon la fondation Terra Nova. Dans une note intitulée « Recrutement et formation, enjeux cruciaux pour la qualité du service public de sécurité », le think tank dresse le constat d’une formation des fonctionnaires de police encore et toujours considérée « comme le parent trop souvent pauvre des réformes récentes ». Soit, en langage clair, un dispositif actuel trop « fragmenté », « peu ouvert sur l’extérieur » et souffrant d’un déficit de « cohérence et de coordination entre gendarmerie et police ».
Aux origines du mal, les coupes claires imposées par la révision générale des politiques publiques, décidée en 2007, ont abouti à la suppression de plus de 9 000 emplois équivalents temps plein. Depuis, les coups d’accordéon se succèdent en matière de recrutement. En 2012, on recensait ainsi 2 500 élèves gardiens en formation initiale. Ils étaient 9 300 à être incorporés en 2016, après les attentats du 13 novembre 2015, puis 6 200 en 2021. Conséquence logique, le niveau de sélectivité a accusé une nette baisse. Le taux d’admission au concours de gardien de la paix a été multiplié par neuf entre 2014 et 2020, de 2 % à 18 %.
Indécision du politique
Les écueils tiennent – sans doute – aux décisions stratégiques d’une administration qui peine à se réformer en profondeur et à l’indécision du politique. Mais ils se doublent d’une certaine sclérose dans l’apprentissage des fondamentaux du métier, avec une offre de formation faiblement rénovée et encore centrée sur des techniques opérationnelles d’intervention, sans que soit repensés les rapports entre police et population. « L’ouverture reste très limitée en termes de modules de formation, de formateurs eux-mêmes, souligne Jacques de Maillard, rédacteur du rapport et chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales. Même s’il existe des innovations intéressantes, le changement n’existe qu’à la marge. » Même constat pour le droit : aucune connaissance juridique n’est exigée, une lacune que ne permet pas de combler l’enseignement de la matière en école, réduite à la portion congrue.
Le caractère généraliste de la formation et le recrutement de profils peu diversifiés favorisent « la cohérence et l’unité des institutions » en permettant à l’ensemble des policiers de disposer d’une « expérience commune de la voie publique ». Mais, si le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a promis de réserver quatre places du concours de commissaire de police à des polytechniciens, si le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur envisage, sans autre précision, d’élargir le spectre du recrutement, ces mesures restent bien inférieures aux pratiques mises en œuvre au sein de la gendarmerie, où des « officiers sous contrat encadrement » aux profils hautement techniques sont recrutés à des grades correspondant à leurs compétences, pour une période de dix-sept ans.
Ces conclusions font écho à un rapport de la Cour des comptes de février dans lequel étaient notamment signalées les défaillances en matière de formations initiale et continue, cette dernière excédant rarement cinq jours, tous corps confondus.
De tels éléments ne constituent pas exclusivement une grille d’analyse administrative et technique. Ils conditionnent pour une large part les modalités d’exercice d’une profession difficile, aux horaires contraignants, aux missions cruciales.
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