Régulièrement, les syndicats enseignants produisent des enquêtes plutôt alarmistes sur le ressenti, l’état psychique, la motivation de leurs adhérents. Cette fois, c’est la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), le département de la statistique du ministère de l’éducation nationale qui s’intéresse au bien-être des personnels, avec un tout nouveau baromètre, basé sur un panel représentatif de 62 000 personnes. « Assis sur des bases scientifiques solides, il vient objectiver ce que nous observons de longue date », commente Jean-Rémi Girard, le président du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc).

Satisfaction professionnelle, peut mieux faire

Que montre cette enquête ? Que la satisfaction professionnelle des personnels de l’éducation nationale (les intéressés l’évaluent à 6 sur 10) est inférieure à celle de la moyenne des Français en emploi (7,2). Même si les réponses sont assez semblables quand on demande aux uns et aux autres si leur vie personnelle et professionnelle a « du sens, de la valeur ».

Réalisée au printemps 2022, peu de temps après une valse des protocoles sanitaires qui en a exaspéré plus d’un, cette étude met aussi et surtout en évidence un haut degré de fatigue. « Sur une échelle de 0 (pas du tout) à 10 (tout à fait), les personnels déclarent que le sentiment d’épuisement s’applique à leur expérience actuelle dans leur fonction à un niveau moyen de 6,8 sur 10 », relève la Depp. Pire : « La moitié des personnels attribue une note entre 8 et 10. »

« Fatiguée de devoir travailler après les cours »

À 26 ans, Louise, professeure d’histoire-géographie dans un collège de Seine-Saint-Denis depuis deux ans, n’est guère surprise par ces résultats. En cette veille des vacances de la Toussaint, elle-même se sent « très fatiguée ». « Fatiguée moralement de devoir gérer – sans forcément trouver de solution – le cas d’élèves en très grande difficulté, qui évoluent dans un environnement peu propice à leur scolarité. Fatiguée aussi de devoir travailler après les cours, le soir et le week-end, pour préparer les suivants. »

Parmi les raisons qui alimentent l’insatisfaction et l’épuisement de nombreux acteurs de l’éducation nationale, il y a également la faiblesse des perspectives de carrière (3,1 sur 10) et le niveau de rémunération (3,4 sur 10).

En primaire, une dégradation des relations avec les familles

Il y a aussi, relève Jean-Rémi Girard, des facteurs qui diffèrent d’un degré à l’autre. « En primaire, où l’épuisement est le plus fort, il est souvent question de dégradation des relations avec les familles et de gestion de l’inclusion scolaire », l’institution ne se donnant pas toujours les moyens d’accompagner les enfants en situation de handicap ou présentant des troubles de l’apprentissage. « Dans le secondaire, l’épuisement est souvent le résultat d’une “réformite”. Les collègues digèrent par exemple très mal la réforme du lycée. Il découle aussi de mauvaises relations entre adultes, notamment entre les enseignants et le chef d’établissement », observe ce responsable syndical.

L’étude de la Depp suggère encore une autre piste d’interprétation : l’impression qu’ont beaucoup d’enseignants d’exercer une profession déconsidérée. Quand on leur demande dans quelle mesure ils ont le sentiment que leur métier est « valorisé dans la société », ils répondent en moyenne par un bien maigre 2,5 sur 10.