Qui l’a déjà vue jouer la reconnaîtra en une seconde. Séphora Pondi nous accueille avec l’allégresse et la vitalité qui la caractérisent sur scène. Il faut dire que la comédienne – et elle ne s’en cache pas – n’est pas totalement redescendue de son émerveillement. A 30 ans, elle compte parmi les nouveaux pensionnaires de la Comédie-Française. Elle y reçoit dans sa loge à l’allure de studette. Près de 13 mètres carrés rien que pour elle, où de grandes fenêtres donnent sur l’effervescence du quartier. « Si on m’avait dit que, dans ma vie d’intermittente du spectacle, je travaillerais dans de telles conditions et serais un jour choyée comme ça… ! », s’étonne encore Séphora Pondi.
Au sein de l’institution, intégrée en septembre 2021, la jeune femme goûte quotidiennement le répertoire classique par lequel elle est venue au théâtre. Elle qui est pourtant issue, comme elle le dit, d’un milieu « éloigné de la culture majoritaire », celui d’une classe moyenne paupérisée. D’une énergie saisissante sur scène, Séphora Pondi s’est d’abord révélée dans des rôles de femmes insoumises. Remarquable – et remarquée – dans Désobéir, qu’elle joue à peine sortie des études, en 2017, sous la direction de Julie Berès, puis dans Au Bois, un chaperon rouge moderne au Théâtre national de la Colline, à Paris.
Rien d’étonnant, alors, à ce qu’elle endosse aujourd’hui le rôle de Kent dans le Roi Lear, de Shakespeare, pièce-phare de la rentrée à la Comédie-Française, mise en scène par Thomas Ostermeier. Plus proche fidèle du souverain – joué par Denis Podalydès –, le personnage est chassé du royaume « pour avoir osé dire la vérité devant le pouvoir », commente Séphora Pondi, assise sur le canapé de sa loge. Tout près d’elle, le texte de Médée, dont elle commence les séances de lectures avec l’équipe. La comédienne tiendra, en fin de saison, le rôle-titre de l’impitoyable magicienne dans cette tragédie d’Euripide.
« Soif d’expression »
Longtemps, la jeune femme a cherché à conquérir un espace pour déployer sa voix. Séphora Pondi grandit dans « toutes les banlieues populaires de Paris, ou presque », raconte-t-elle, avec ses parents, immigrés camerounais, professeurs de gestion et comptabilité en lycée professionnel. Dans sa famille, on ne va pas au théâtre. « Mais mon père était quelqu’un qui avait le goût du spectacle. Il était très charismatique, extraverti. Ma mère, elle, se montrait très coquette, toujours avec une certaine mélancolie. Toute mon enfance, j’ai eu l’impression de vivre des tragédies de châtelains, alors que j’habitais en HLM », s’amuse-t-elle. Volontiers théâtrale, la figure paternelle est, à la maison, plutôt autoritaire, parfois menaçante.
Il vous reste 69.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.