Quand on forme aux métiers du BTP, qui totalise en France 44 % de la consommation d’énergie et près de 25 % des émissions de CO2, l’évidence s’impose : « Le développement durable n’est pas une option », comme le dit Jérôme Lebrun, directeur de Builders (ex-ESITC Caen).

Depuis des années, son école d’ingénieurs s’emploie à verdir ses contenus, sa recherche, son fonctionnement. « C’est une question de conviction et de responsabilité sociétale, volontiers amplifiée par les élèves. Et cela nous est de toute façon imposé par une réglementation de plus en plus exigeante en termes de performances énergétiques et d’impact sur l’environnement. »

Un laboratoire géant pour les élèves

De quoi pousser par exemple Builders à transformer une partie de son futur chantier d’extension en un laboratoire géant où expérimenter avec les élèves toutes sortes de solutions plus écolos. À son image, beaucoup d’établissements n’ont pas attendu le rapport Jouzel, pour se soucier de la transition écologique.

Un vrai mouvement est engagé, avec des effets contrastés. Notamment à la fac. « Un tiers des universités, dont la mienne, a mis en place un module transversal à valider obligatoirement ; un autre tiers propose un module transversal optionnel ; un dernier a choisi d’apporter aux programmes disciplinaires existants une coloration “développement durable” », constate Mathias Bernard, président de l’université Clermont-Auvergne.

Les humanités mobilisées pour repenser le récit écolo

À ses yeux, l’université doit être un moteur de la transition. « D’abord, parce qu’elle forme plus de la moitié des étudiants. Ensuite, parce que son enseignement est adossé à la recherche. Enfin, parce qu’elle offre une approche pluridisciplinaire, indispensable pour relever les défis environnementaux. On a besoin de compétences scientifiques mais aussi des lettres et des sciences humaines pour bâtir un récit, un imaginaire facilitant l’adhésion de la population à des mesures vécues comme des contraintes », plaide ce spécialiste d’histoire politique.

Les écoles de management ont elles aussi un rôle essentiel à jouer, estime Thomas Froehlicher, directeur de Rennes School of Business. Son école met l’accent notamment sur « la finance verte et la transformation du modèle agricole », de même que sur « le verdissement de la chaîne logistique ». Et l’un des parcours les plus suivis s’intitule « environnement et transition ». « On y étudie le passage vers une économie circulaire. Et on y évoque la décroissance comme un élément de réflexion à appréhender », glisse-t-il.

Réinventer le marketing

« Dans la gestion et le management, seuls quelques établissements prévoient, comme nous le recommandons, une formation obligatoire pour tous aux enjeux écologiques », nuance Vinciane Martin, chargée de projet pour le laboratoire d’idées The Shift Project. Or, ajoute-t-elle, « l’urgence environnementale implique de réinventer les fondements de nombreux métiers et formations, comme le marketing, pour passer du soutien à la consommation vers le service de la transition ».